Le directeur de l'agence Jamil Voyages a disparu. Face à l'impossibilité d'honorer ses engagements vis-à-vis des pèlerins et de ses fournisseurs, l'homme d'affaires a pris la clé des champs. Enième arnaque de pèlerins. Cinquante pèlerins perdus, en sit-in devant une porte close. Des espoirs d'accomplir un rite sacré envolés. Des employés hagards et, comble du désarroi, un patron d'entreprise perdu dans la nature. Parti, volatisé, avec la malle. Paradoxalement, l'affaire Jamil Voyages n'a pas défrayé la chronique. C'est presque dans les mœurs de voir des pèlerins victimes d'arnaques. Pourtant, Najib Ouamouz n'est pas arnaqueur de profession. La preuve, il a obtenu à main levée, en août dernier, le quota indispensable à toute agence de voyages pour se lancer dans l'opération du haj. Mais, c'est connu, avance un professionnel qui requiert l'anonymat, le directeur général de Jamil Voyages, située rue de Trebbles, en face de la porte principale du commissariat central à Rabat, aimait faire payer l'argent du passé par celui du futur. Il s'est retrouvé coincé le 20 janvier. Sans crédits auprès des compagnies aériennes et sans pouvoir régler les prestataires saoudiens sur place. Il a donc perdu 100 logements du jour au lendemain en Arabie Saoudite, alors que les pèlerins devaient prendre l'avion le 24 janvier. C'est le 22 janvier, 24 heures plus tard, que la Fédération nationale des agences de voyages est mise au courant. Aussitôt, son président, Amal Karioun, tente d'entrer en contact avec M. Ouamouz. En vain. Le vendredi, la délégation du Tourisme constitue une cellule de crise. Un contact téléphonique est enfin établi avec M.Ouamouz qui disait être à Marrakech pour régler le problème. Jusqu'à lundi, aucun signe de vie. La commission prend alors en main le dossier d'une manière concrète. Désormais, la priorité n'est plus de retrouver le DG de Jamil Voyages, mais de trouver une solution pour les 50 pélerins. Contactés, le ministère du Tourisme et celui des Habous jouent les pompiers. Séquentiellement, ce dernier accepte de prendre en charge l'hébergement alors que le ministère du Tourisme se charge du transport, de l'encadrement et du déplacement de Mina à Arafat, revenant à la FNAVM. Mais vers 20 heures ce lundi-là, le ministère des Habous se rétracte : plus question de payer pour l'hébergement. «Ils n'ont qu'à payer eux-mêmes», lance tout de go un cadre de ce département. Soucieuse de contenir un énième scandale qui ternirait encore la profession, la FNAVM tente le tout pour le tout et joint, depuis La Mecque, le président de la Commission Haj lequel était en compagnie d'un délégué de l'ONMT. Entre lundi et mardi, un accord définitif a enfin été trouvé. La totalité du séjour est prise en charge par la FNAVM. Le transport est assuré par le ministère du Tourisme et le partenariat entre la Ram et Saoudian Airlines. Au passage, la compagnie saoudienne a dû changer ses prévisions et remplacer le Boeing 737 habituel par un 747. L'avion qui devait s'envoler hier à 15 heures s'est retrouvé face à une surprise à la dernière minute: 57 passagers au lieu des 50 prévues, preuve que Jamil Voyages avait une gestion particulière de cette opération de pèlerinage. Pourtant, obtenir le quota pour le pèlerinage n'est pas dévolu à toute agence de voyages. Jamil Voyages a obtenu le sien facilement, comme un ticket de bus. Des différents membres de la commission Haj qui décide de la répartition de ce quota, seuls les deux délégués de la profession des agences de voyages ont émis des réserves à son encontre. Ce qui n'a pas été le cas en ce qui concerne les représentants du ministère de l'Intérieur, encore moins ceux des Habous, qui gardent en mémoire un service rendu par Jamil Voyages au Maroc. L'entreprise avait en effet pris en charge, l'année dernière, l'encadrement de 200 pèlerins dans une situation délicate. D'où l'empressement des pouvoirs publics à lever leur veto, suivis du tac au tac, par l'approbation de l'ambassade saoudienne. Pour rappel, Jamil Voyages a obtenu son quota au mois d'août. Pour passer en conseil de discipline juste après le mois de Ramadan. Quant à Air Atlas, la compagnie de transport avec laquelle, elle avait établi un contrat en bonne et due forme pour la charterisation, elle est aujourd'hui clouée au sol avec une ardoise de 150 millions de dirhams et l'interdiction d'atterrir sur Jeddah. Aujourd'hui, le DG de Jamil Voyages, l'une des seules agences à avoir eu des problèmes sur les 174 qui ont participé à l'opération pèlerinage 2004, a pris la clé des champs. Sur le compte de la FNAVM qui encaisse au propre et au figuré. Enième coup d'épée dans la réputation de la profession d'agence de voyages au Maroc.