Voyant les effets désastreux de ces propositions, les communicateurs de l'Elysée ont immédiatement établi un cordon sécuritaire entre Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux au risque de créer une confusion volontaire. L'arbitrage présidentiel était attendu comme une délivrance. Nicolas Sarkozy allait-il choisir la ligne de son ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux qui avait ferraillé tout l'été pour convaincre l'opinion française de la nécessité d'étendre la déchéance de la nationalité française à ceux qui pratiquent la polygamie et l'excision, ou au contraire choisir la ligne défendue par son ministre de la Justice Michelle Alliot-Marie et celui de l'Immigration et de l'Identité nationale Eric Besson qui préfèrent que cette sanction soit exclusivement réservée à ce qu'on appelle communément «les tueurs de flics» d'origine étrangère. (Les tueurs, pas les flics). Le suspense fut savamment entretenu. Il s'agissait, pour le président de la République de livrer un arbitrage entre une ligne dure dont il a lui-même détaillé la physionomie lors de son célèbre discours de Grenoble et une autre ligne extrêmement dure que Brice Hortefeux, les vapeurs de l'été et l'excès de zèle de sa fonction aidant, avait semée dans les esprits, avec un entêtement et une conviction dignes des grands forçats idéologiques. Voyant les effets désastreux au sein de l'opposition comme dans les rangs de la majorité présidentielle que telles propositions ont provoqués, les communicateurs de l'Elysée ont immédiatement établi un cordon sécuritaire entre Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux au risque de créer une confusion volontaire. Quand les journalistes politiques interpellaient les hommes de la majorité présidentielle avec cette question: «Etes-vous avec Nicolas Sarkozy et son discours de Grenoble ? Ou êtes-vous avec Brice Hortefeux et sa surenchère estivale sur la déchéance de la nationalité» ? Pendant de nombreuses interviews, ces malheureux ministres et autres personnalités de la majorité, dépourvus des éléments de langage adéquats, titubaient d'hésitation comme s'ils savaient que ne choisir qu'une option était forcément une erreur. Et pour cause, tous, sans exception, savaient le degré d'intimité qui liait, sur le plan personnel et politique, les deux hommes. Brice Hortefeux n'a jamais montré de velléité d'indépendance. Il est à son poste à la place Beauvau pour appliquer les consignes venues de la maison d'en face, l'Elysée. Obéissant comme un garde-champêtre et discipliné comme un militaire. L'imagine-t-on un instant oser lancer dans l'opinion de telles déflagrations, de telles ruptures sans que son parrain en politique Nicolas Sarkozy ne soit au courant et donne son aval ? Cette situation était à l'origine de la zizanie et du malaise qui avaient troublé la majorité présidentielle au point de faire dire à certains de ces membres des phrases dignes d'être prononcées par une opposition farouche. La sortie de crise fut le choix de l'arbitrage. Il eut deux effets d'optique à durée de vie limitée. Le premier est de présenter Nicolas Sarkozy comme un homme au-dessus de la mêlée qui, utilisant le prestige forcement intact de sa fonction, livra un arbitrage censé être modéré et sage. Le second est d'habiller un recul, un désaveu du ministre de l'Intérieur. Logiquement Brice Hortefeux dont la ligne de conduite n'a pas été retenue devait en tirer toutes les conséquences et démissionner. Il n'en fit rien et prouve encore une fois que dans cette gouvernance de Nicolas Sarkozy un ministre est davantage un joueur de rôles, sans autres marges de manœuvre que celles que lui donne le président de la République.