Brice Hortefeux doit réunir ce mercredi la hiérarchie de la police et de la gendarmerie pour leur transmettre les attentes des associations de banlieues et le message de Nicolas Sarkozy. L'acte peut aisément s'apparenter à une opération de séduction politique, à une séquence de relations publiques si le ministre de l'Intérieur ne s'appelait pas Brice Hortefeux et le président Nicolas Sarkozy. Sur le sujet de la banlieue et de l'insécurité, les deux hommes avaient montré un visage de fermeté jusqu'à l'entêtement, une détermination jusqu'à l'excès. Mais voilà, si l'été n'a pas été explosif, de nombreuses alertes ont été perçues comme pouvant aggraver subitement les tensions déjà aiguës et atteindre des points de ruptures difficiles à traiter qui rappellent les dramatiques événements de l'automne 2005. Quand la banlieue s'était littéralement embrasée pendant trois interminables semaines. D'où la décision d'organiser une table ronde assez inédite dans son ambition, son discours et ses participants. Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, réunissait autour de lui les leaders de grandes associations qui agissent sur le terrain des banlieues difficiles, avec dans le rôle de l'entremetteuse politique Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée des banlieues et sous les regards émerveillés de Martin Hirsch, haut commissaire à la Jeunesse et de Xavier Darcos, ministre du Travail. L'objectif de cette table ronde était d'établir un dialogue entre les forces de l'ordre et les jeunes des quartiers difficiles. Brice Hortefeux avait résumé l'orientation des débats par une formule assez séduisante en invitant jeunes et police à «effectuer un bout de chemin l'un vers l'autre» sur la base du principe «tolérance zéro pour les voyous, bavure zéro» pour police et gendarmerie. Le tout accompagné par le création d'une « équipe de conciliation composée d'une personnalité indépendante, d'une psychologue et d'un haut fonctionnaire » pour tenter d'aplanir les tensions et de régler les problèmes avant qu'ils ne dégénèrent en crises violentes. En adoptant une telle démarche, Brice Hortefeux revient de très loin. Son image d'ancien ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, obnubilé jusqu'à l'obsession par la chasse des clandestins, ne le prédisposait pas naturellement à être cet homme de dialogue et de compromis qu'il ambitionne de devenir. D'autant que le ministre s'inscrivait dans le large sillage de la politique de Nicolas Sarkozy à l'égard de la banlieue et dont «le nettoyage au karcher de la racaille» faisait office de cri de ralliement et de slogan électoral. Brice Hortefeux avait rencontré ces associations de banlieues à la veille d'une importante réunion à l'Elysée avec Nicolas Sarkozy et François Fillon pour faire un bilan de rentrée sur le thème de l'insécurité et les chiffres de la délinquance. Cette table ronde faisait partie d'un cycle de trois journées au cours desquelles le gouvernement tente de reprendre la main en matière d'insécurité. Après la rencontre de l'Elysée hier mardi, Brice Hortefeux doit réunir ce mercredi la hiérarchie de la police et de la gendarmerie pour leur transmettre à la fois les attentes de ces associations et le message de Nicolas Sarkozy. Si le ministre de l'Intérieur ne pourra pas afficher un bilan estival des plus satisfaisants pour calmer la déception du président de la République en la matière, il pourra toujours lui présenter comme un trophée les réactions fort encourageantes et positives des principaux chefs d'associations qui ont participé à sa table ronde. Si Djamel Guenaoui, président de l'association «Changeons de regard» s'est extasié devant ce «petit coup de baguette magique qui a éclairé les idées et fait qu'on s'intéresse aux gens qui travaillent sur le terrain», Dominique Sopo, président de SOS racisme affirme que «le dialogue est engagé» tandis que Siham Habchi, présidente de l'association «Ni putes ni soumises» annonce que «la machine est en marche». La démarche de Brice Hortefeux peut aussi bien révéler une brusque prise de conscience que le tout répressif n'est pas l'approche idéale pour calmer les ardeurs belliqueuse de territoires à la marge et en ébullition. Comme elle peut préfigurer aussi une solide volonté de reprise en main sécuritaire dont le dialogue avec les associations n'est que le rideau de fumée trompeur.