Devant autant de difficultés, Nicolas Sarkozy sera tenté de ne rien changer au cœur de son instrument exécutif. Le remaniement ne pourrait toucher que les périphériques et les branches mortes. Le cliché est facile à peindre. Un président de la République, Nicolas Sarkozy, entre deux sorties en vélo tout en sueur, entre deux mondanités familiales tout en sourire, retrouve, l'air grave, presque angoissé, la pénombre intime de son bureau sur lequel est dressée une grande carte avec énormément de cases. C'est que le président avait promis en grandes fanfares un important remaniement pour octobre. Ses vacances d'été, au Cap Nègre dans la villa estivale de son épouse Carla Bruni, sont l'unique occasion pour pouvoir réfléchir dans le calme loin des bruits et des fureurs de la capitale. En termes de temps politique, octobre, c'est déjà aujourd'hui. Nicolas Sarkozy sait qu'il ne doit rejoindre Paris pour la rentrée et le premier Conseil des ministres du 25 août qu'à condition d'avoir dans sa poche la liste détaillée du nouveau gouvernement, que son ancien parrain Edouard Balladur lui a conseillé «resserrée» pour être en phase avec la période de crise que traverse la France, et le nom du nouveau Premier ministre. Accoucher d'une telle liste ne doit pas être un exercice facile mais plutôt une prospection douloureuse. Pour remplacer François Fillon, la chronique politique lui a déjà limité les perspectives. Nicolas Sarkozy n'a le choix qu'entre Michelle Alliot-Marie, actuelle ministre de la Justice et Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie. MAM présente les rares qualités d'être une femme et de ne pas avoir été éclaboussée par les affaires. A un moment où dans la maison d'en face Martine Aubry, Ségolène Royal et Eva Joly se poussent du coude pour s'accaparer la scène, l'option Michelle Alliot-Marie peut présenter quelques atouts. Mais sont-ils suffisamment précieux pour masquer les autres dommages collatéraux d'un caractère raide et d'un style aussi séduisant, aussi attractif que celui d'une bonne sœur, gérante d'une abbaye de province. Le choc des tempéraments et des styles peut ne produire aucune étincelle. L'autre option proposée à Nicolas Sarkozy est celle de Jean-Louis Borloo. Il est vrai qu'il a été reçu à dîner au Cap Nègre mais l'hypothèse de son accession à Matignon paraît si peu crédible qu'on le dit toujours en embuscade comme une solution que le président envisagerait en désespoir de cause. Handicaps majeurs de Jean-Louis Borloo, un manque évident de charisme et d'autorité qui met le baromètre de sa capacité à faire rêver proche de zéro. En plus, s'interroge-t-on à haute voix, s'il faut remplacer François Fillon pour faire du sous François Fillon, cela en vaut-il la chandelle? Pour remplacer les autres membres du gouvernement, Nicolas Sarkozy n'a le choix là aussi qu'entre deux solutions: faire revenir au gouvernement les grands éléphants de la droite avec le risque d'enduire le reste de son mandat de nostalgie et de naphtaline ou faire rentrer des jeunes débutants avec le risque prévisible de payer le prix fort pour leurs apprentissages politiques. Devant autant de difficultés, Nicolas Sarkozy sera tenté de ne rien changer au cœur de son instrument exécutif. Le remaniement ne pourrait toucher que les périphériques et les branches mortes. La véritable surprise d'octobre sera donc que Nicolas Sarkozy garde François Fillon à Matignon et sa garde rapprochée aux postes de commande stratégiques.