L'amour mène-t-il en prison ? Parfois oui, quand la personne s'exprime en recourant à des moyens illégaux. L'histoire d'Ahmed en est une parmi d'autres. Seulement, la loi lui permet, dans certains cas, de bénéficier des circonstances atténuantes. A son vingt-neuvième printemps, Ahmed se tenait au box des accusés. Sa famille qui est venue assister à son procès à la chambre criminelle près la Cour d'appel de Rabat souhaitait qu'il soit libéré. Et sa nouvelle belle-famille et sa femme, souhaitaient-elles également sa libération ? Une question qui s'imposait puisque c'était sa belle-mère qui a porté plainte contre lui avant qu'il soit l'époux de sa fille encore mineure. Comment ? Nous sommes à Sidi Allal El Bahraoui, province de Khemisset, dans la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër. Ahmed qui passait son temps à Tiflet, une ville située à 56 km de l'est de Rabat, puisqu'il y est gardien d'une ferme, retournait de temps en temps dans sa famille. D'abord, il y est né, en 1981 et y a poursuivi ses études primaires avant d'abandonner définitivement l'école. Depuis son adolescence, il a commencé à se débrouiller pour gagner sa vie et subvenir aux besoins de sa famille. Au fil du temps, il a quitté sa ville natale pour Tiflet, là où il a obtenu un emploi, gardien d'une ferme. Il y a passé quelques semaines avant de retourner chez lui pour rendre visite à sa famille. C'est durant ces visites, qu'il a remarqué la belle fille, encore mineure, qui demeure non loin de chez lui. Certes, il lui a exprimé son amour. Mais, personne ne savait si elle a partagé avec lui les mêmes sentiments ou non. «Elle m'aime aussi, M. le président», a-t-il précisé à la Cour. Quant à elle, elle n'a pas pu répondre à cette question devant la Cour. Par timidité ? Peut-être. Au fil du temps, la fille mineure, qui venait d'avoir ses dix-sept ans, a disparu. Sa mère, son père et toute sa famille l'ont cherchée partout, aux hôpitaux, aux services des urgences, chez les gendarmes de Sidi Allal El Bahraoui, chez la police et les gendarmes des régions proches et chez leur famille. Mais en vain. A-t-elle fugué ? Si oui, pourquoi ? Si non, où a-t-elle disparu ? Une semaine est passée sans que sa famille n'ait pas la moindre nouvelle la concernant. Dix jours sont passés, sans qu'elle donne signe de vie. A-t-elle été tuée et jetée quelque part loin de Sidi Allal El Bahraoui ? Aucune nouvelle. Deux semaines plus tard, elle a réapparu. Où était-elle ? «Ahmed m'a kidnappée et violée», a-t-elle répondu à sa mère et devant les limiers de la Gendarmerie royale de Sidi Allal El Bahraoui. Elle a précisé qu'Ahmed l'avait croisée en chemin alors qu'il était armé d'un grand couteau. Il l'a menacée de meurtre si elle refusait de l'accompagner à Tiflet. Toujours le couteau sous ses aisselles, elle était obligée de monter dans l'autocar, de s'asseoir à côté d'Ahmed et de l'accompagner à la ferme de Tiflet. Là, il l'a séquestrée durant quinze jours. Il la violait à chaque moment. Il l'a même dépucelée. Une version des faits qui a été rejetée en bloc par Ahmed. «C'est elle qui m'a accompagné de son plein gré pour passer ces deux semaines en ma compagnie. Nous partagions le même lit. Je ne l'ai jamais obligée à coucher avec moi… C'est vrai que je l'ai déflorée», a-t-il précisé aux enquêteurs qui l'ont traduit devant la justice à Rabat. Qui a raison ? Qui a tort ? Elle, lui ou les deux ? Et quand il était en prison, en train d'attendre son procès, les deux familles ont décidé de les marier. Et suite à la permission accordée par le juge de la famille chargé du mariage «quand l'intérêt se présente», ils ont établi l'acte de mariage. C'est la raison pour laquelle, la Cour a fait bénéficier Ahmed des circonstances atténuantes et l'a condamné uniquement à deux ans de prison avec sursis.