Ces derniers jours, en Europe, on commémorait ( discrètement! ) la bataille de Waterloo qui, en juin 1815, sur le territoire de l'actuelle Belgique, a vu la défaite de l'armée de Napoléon Bonaparte en face des armées britannique, néerlandaise et prussienne coalisées. La France longtemps conquérante, suffisante, se retrouvait à genoux, saignée, ridiculisée. Quelques jours plus tard, l'empereur Napoléon 1er abdiquait et partait en exil... C'est un peu «Waterloo 2» qui vient de se jouer, pour les Français, en Afrique du Sud, avec la descente aux enfers de l'équipe de France de football. Elle paraît désormais bien loin, la victoire des «Bleus» du 12 juillet 1998, quand ceux-ci ont remporté la Coupe du monde! Ces derniers jours, la presse française s'est déchaînée pour dénoncer le comportement lamentable, à tous les points de vue ( au plan moral comme au plan sportif ), des joueurs de la sélection nationale. «Champions du monde du ridicule», a titré un grand quotidien régional. Si, en 1998, le président français Jacques Chirac avait pu se refaire une santé politique grâce à la victoire de Zinédine Zidane et de ses camarades, voilà Nicolas Sarkozy privé d'un tel cadeau. Certes, la France et Nicolas Sarkozy se remettront de cette déroute de l'équipe nationale de football. Mais ils auraient tort, cependant, de la minorer et de ne pas en tirer des leçons pour eux-mêmes. Car même si les joueurs professionnels des grands clubs, avec leurs salaires énormes et leur train de vie ahurissant, sont loin de vivre la vie de leurs compatriotes et constituent une exception souvent scandaleuse, ils sont néanmoins, pour partie, le miroir du pays et de la politique conduite par son président. En 1998, la France entière avait célébré la victoire de son équipe comme la victoire d'une France pluri-ethnique. Zinédine Zidane, le Kabyle d'origine algérienne, apparaissait aux yeux de tous comme la figure nouvelle d'une France où les originaires du Maghreb et de l'Afrique noire sont devenus une composante définitive de la population. Cette victoire venait heureusement contrecarrer toutes les «marées noires» racistes et islamophobes qui ne cessent de salir régulièrement la mythique «patrie des droits de l'Homme». L'équipe de France de football d'aujourd'hui, avec ses déchirements, ses refus de «jouer» vraiment ensemble, ses égoïsmes, ses caprices, les comportements immoraux de certains de ses joueurs, représente, malheureusement, une photographie à peine truquée de la France de Nicolas Sarkozy. On y retrouve les «fractures» de la société française, des fractures qui sont de celles qui peuvent détruire une nation. Les «Bleus» sont «clivés» entre eux autant qu'ils étaient soudés il y a douze ans: les Blancs et les Noirs, les Antillais et les Africains, ceux qui jouent en France, ceux qui jouent à l'étranger... Ils représentent une catégorie sociale aux revenus ressentis comme scandaleux tandis que tant de Français s'enfoncent dans la pauvreté. En même temps, lorsqu'ils sont interviewés, on les entend parler la langue des banlieues, un français terriblement appauvri. A France «clivée» semble ainsi correspondre une équipe de foot désunie. A équipe décadente, pourrait correspondre une France décadente...