Si les ministres observent un silence volontaire ou imposé, c'est que l'ouverture, telle qu'elle a été pratiquée par Nicolas Sarkozy, n'a plus le vent en poupe. Que sont devenus Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Ville, Rama Yade, aux Sports, Eric Besson à l'Immigration et à l'Identité nationale ou même Bernard Kouchner aux Affaires étrangères ? Leur brusque silence et leur subite invisibilité sont-ils le fruit d'une stratégie politique décidée en connaissance de cause par l'Elysée ou s'agit-il simplement d'une vague de fainéantise qui s'est saisie de leur service de communication et de leurs entreprises de relations publiques ? Poser la question est déjà mettre le doigt sur une grande spécificité post- régionale de la nouvelle séquence que vit Nicolas Sarkozy. Et pour cause. Quand Eric Besson organise un séminaire sur l'identité nationale et européenne, les ministres, qui jadis courtisaient cette étoile montante du Sarkozysme, sont inscrits aux abonnés absents. Seul Frédéric Mitterrand, l'autre ministre placebo de l'ouverture, daigne, plus par masochisme que par engagement, y participer. Quand Rama Yade est invitée à faire le show sur un plateau de télévision, ce n'est plus que pour répondre à l'éternelle question si elle ne s'ennuie pas ferme dans ce secrétariat aux Sports que la volonté revancharde de Nicolas Sarkozy avait voulu plus purgatoire qu'une promotion. Pour tenter d'attirer l'attention sur elle, Rama Yade tente de se payer un chroniqueur contesté et polémiste de télévision. Et quand Fadela Amara se permet de prendre la parole, c'est pour recracher des généralités maintes fois consommées sur le malaise des quartiers et sur la meilleure potion magique de les intégrer au sein de l'ordre républicain. Fadela Amara est si éteinte que quand elle parle, elle ressemble à ces poissons d'aquarium qui prononcent d'inaudibles syllabes. Et quand le grand Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères réapparaît sur le radar de l'actualité, son discours, ponctué d'une manifeste difficulté à respirer, donne cette vague impression de déjà-vu et entendu. Bernard Kouchner est au sommet de son art : celui de vouloir absolument dire des choses originales sans sortir des lignes rouges tracées par l'Elysée. Sa dernière interview au «Journal du dimanche» et ses sorties libres sur l'Etat palestinien et l'Algérie, n'ont pas fini de provoquer des aigreurs d'estomac. Si ces ministres observent un silence volontaire ou imposé, c'est que l'ouverture, telle qu'elle a été pratiquée par Nicolas Sarkozy, n'a plus le vent en poupe. Elle est de plus en plus contestée au sein de sa propre famille qui la considère comme une des raisons principales de sa bérézina électorale. Il a été difficile pour le président de la République de la reconnaître dans les faits sans courir le risque d'un désaveu encore plus général. Il est vrai que cette ouverture a été conçue pour affaiblir l'adversaire en semant la zizanie dans sa maison. Elle semble avoir raté sa mission. Mais maintenant que l'adversaire, notamment socialiste, ne semble pas atteint par une telle stratégie, sa principale plus-value est de débarrasser Nicolas Sarkozy d'une accusation de sectaire. Mais le jeu de cette ouverture, au regard du désamour qui plombe de manière coriace la réputation de Nicolas Sarkozy, vaut-il encore la chandelle ? C'est la question qui secoue en ce moment l'ensemble de la droite.