Est-on entré dans une sorte de guerre de tranchées idéologique entre «monde musulman» et «monde chrétien»? Ces deux univers, certes, sont l'un et l'autre pluriels, multiples, et il y a d'abord des affrontements à l'intérieur de chacun. Mais, du côté musulman comme du côté chrétien, on sait que plusieurs veulent nous entraîner dans «le choc des civilisations». A l'intérieur des sociétés musulmanes comme à l'intérieur des sociétés de culture chrétienne, les ouvrages, ainsi, sont nombreux qui tendent à «diaboliser» l'autre, tout en se parant d'habits de bienfaiteurs de l'humanité ou de défenseurs de l'honneur de Dieu. Ainsi, combien de livres ont paru ces dernières années, en Europe et aux Etats-Unis, qui, sous prétexte de défendre la dignité et la liberté des femmes, ont noirci et globalisé la réalité des sociétés musulmanes? Dans cette escalade guerrière, un pas supplémentaire vient d'être accompli aux Etats-Unis, avec la parution d'un livre dont l'histoire paraît complètement incroyable. Intitulé «Fils du Hamas» («Son of Hamas»), il s'agit des confessions de Mosab Hassan Yousef, le fils d'un des fondateurs du mouvement islamique palestinien en Cisjordanie. Désormais réfugié en Californie, cet homme raconte comment, étudiant fait prisonnier en 1996 par les Israéliens, il a été «retourné» par ces derniers au point de devenir dix ans durant un informateur des services de renseignements de l'Etat hébreu! Torturé, le jeune homme a commencé par nourrir l'idée que, s'il devenait un «agent double», il pourrait, un jour, se venger des Israéliens. Mais, progressivement, effrayé par la violence interne au monde palestinien, il a fini par se sentir en sympathie avec les ennemis de son peuple et de sa famille. Les informations qu'il a fournies auraient permis, selon son témoignage, l'arrestation de plusieurs cadres clandestins palestiniens, dont celle de Marwan Barghoutti. La «mue» de celui que les services israéliens avaient surnommé «le Prince vert» est allée encore plus loin que ce qui était désiré par ces derniers. En effet, le jeune homme a découvert la foi chrétienne lors d'un des séjours qu'on lui faisait faire en prison afin qu'il ne soit pas démasqué. Et le voilà désormais le prédicateur d'un étonnant message, selon lequel, si les Palestiniens veulent la liberté, ils doivent d'abord se libérer de l'Islam. Nul doute que beaucoup, en Occident, vont lire ce livre avec délice! L'histoire de l'humanité est pleine de trahisons de ce genre. Bien avant Judas (qui a livré Jésus de Nazareth) et Brutus (qui a comploté contre l'empereur romain César), les traîtres ont marqué le cours des siècles jusqu'à aujourd'hui, autant que les héros. Ignobles félons pour les uns, ils peuvent être considérés comme des héros par les autres. Mais comment se regardent-ils eux-mêmes? Mosab Youssef tente de justifier son «retournement» par haine de la violence aveugle des attentats commis par le Hamas. Mais il se montre, du coup, moins critique quant à la violence israélienne. On laissera cet homme au jugement de sa conscience. Mais que cherchent ceux qui publient de pareils livres à grands renforts de publicité ?