Luc Chatel vient d'avoir l'étrange idée de supprimer les cours d'histoire et de géographie des programmes des terminales scientifiques. Le héros de cette nouvelle mésaventure qui fait gripper la machine gouvernementale s'appelle Luc Chatel. Il est ministre de l'Education nationale et porte-parole du gouvernement. Il vient d'avoir l'étrange idée de supprimer les cours d'histoire et de géographie des programmes des terminales scientifiques. Et ce dans le cadre d'une grande réforme qui doit reconfigurer l'ensemble des lycées français. L'unique motivation connue de Luc Chatel pour justifier une telle démarche est de pouvoir se livrer à quelques économies de professeurs. Sitôt connue, l'initiative de Luc Chatel fut accueillie par une vague de protestations animée d'abord par le monde enseignant avant d'entraîner dans son sillage une grande partie de la classe politique. Et pour cause, cette mesure est présentée au moment même où le débat sur l'identité nationale, animé par un autre «Sarkozyste» de choc Eric Besson, fait rage. Luc Chatel n'est pas un inconnu du grand public. La dernière fois où il avait crevé les écrans de télévisions et même, suprême distinction, eu les honneurs de la presse américaine, ce fut lors de la dernière rentrée scolaire, lorsqu'en compagnie d'Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du Commerce et de la Consommation, il s'était livré à un grand exercice de bidonnage politique dans un supermarché bondé de militants UMP déguisés en clients. Il y jouait, à tort, le rôle de porte-parole du gouvernement chargé de vanter les mérites d'une rentrée scolaire douce pour les portefeuilles des ménages. Cette fois, avec sa proposition de supprimer l'enseignement de l'histoire dans les terminales scientifiques, il est assuré de demeurer dans les annales de la polémique encore longtemps. Non seulement le monde enseignant a eu un violent haut-le-cœur devant une telle initiative, mais le monde politique n'a pas tari d'indignations et de critiques. La gauche s'est évidemment engouffrée dans cette polémique avec la passion des grands débats de société dont elle était coutumière en brandissant au passage cette phrase de François Mitterrand prononcée en 1982 «Un peuple qui n'enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité». La majorité présidentielle a laissé transpirer quelques violents grincements qui en disent long sur son opposition à une telle mesure. Ses principaux chefs condamnent ouvertement le timing d'une telle annonce qui ne peut provenir que d'un cerveau technocratique et apolitique. Ils critiquent par ailleurs le contenu d'une telle réforme qui risque de heurter dans un pays, la France qui, pour reprendre l'expression de l'historien, Benjamin Stora, est particulièrement fière de «son école historique et de ses humanités». Pour Nicolas Sarkozy, cette nouvelle polémique tombe vraiment mal. D'abord, elle mine et même vide de sa substance son grand débat sur l'identité nationale qui, avant même, l'intervention de Luc Chatel commençait déjà à tourner au vinaigre. Ensuite, il donne à ses adversaires une carte supplémentaire, et combien sensible, pour faire campagne contre ses projets de réformes. Enfin, il provoque inutilement des fissures et des tensions au sein de sa propre famille politique à un moment où il cherchait à tout prix l'union et la mobilisation. Pour toutes ces raisons, Luc Chatel sera obligé de revoir sa copie.