Invoquer les idées et l'esprit d'Al Kawakibi au 21ème siècle est un acte anachronique... Mohamed Yatim est l'une des personnalités les plus en vue de l'islamisme politique marocain. Il est membre du secrétariat général du Parti de la justice et du développement (PJD), membre du bureau exécutif du Mouvement unicité et réforme (MUR) et secrétaire général de l'Union nationale marocaine du travail (UNMT), un syndicat affilié au parti islamiste. Il n'y a donc pas plus représentatif que lui de la vision politique et idéologique du PJD. De ce fait, il est tout à fait normal pour tout observateur de la vie politique marocaine de se pencher de près sur les déclarations, les entretiens et les articles rédigés par M. Yatim. Cela permet d'assimiler les prises de positions politiques et les orientations de la formation islamiste. D'où l'intérêt de la chronique hebdomadaire qu'il tient chaque mercredi sur les colonnes du quotidien arabophone «Attajdid». Une rubrique qui, il faut l'avouer, offre parfois des textes de grande valeur ajoutée en terme d'analyse politique conjoncturelle. Mais, les deux derniers épisodes – un troisième suivra selon l'auteur – chamboulent les analyses de tout observateur politique neutre. En fait, M. Yatim a consacré sa colonne, à deux reprises, à reproduire les principes fondateurs de la théorie politique d'Abderrahmane Al Kawakibi sur le despotisme. Texto, sans prise de position, et en l'absence de toute «raison – apparente – de la révélation». Et en lisant le texte, on a du mal à le lier au contexte. Mais, on ne peut s'empêcher d'y voir une sorte de message que M. Yatim ou son parti adresse à l'opinion publique politique. Ou, tout simplement, une volonté de la part de l'auteur de vouloir ressusciter la théorie politique d'Al Kawakibi, un siècle après son décès. Une sorte de fuite vers le passé pour éviter d'affronter la réalité. Mais, emprunter ce chemin comprend beaucoup de risques. Car les idées d'Al Kawakibi revêtent des aspects très dangereux du fait que sa thèse reposait, entre autres, sur le droit des Arabes de la péninsule arabe à avoir une tutelle religieuse et politique sur «une nation arabe unifiée sous un califat unique». Son livre «Les caractéristiques du despotisme», dont M. Yatim reproduit les grandes lignes, était certes, à sa sortie, un livre dirigé contre l'empire ottoman, mais, il comportait au même temps, un appel à la régression vers une forme d'Etat obsolète inspirée de l'époque omeyyade. L'invoquer au 21ème siècle est sans doute un acte anachronique sauf, peut-être, pour ceux qui l'ont fait.