La «révolution silencieuse» qui est en train de se produire, c'est celle du développement, dans la France laïque, de la finance islamique. Alors que les regards de beaucoup de Français s'arrêtent sur les tenues vestimentaires islamiques toujours plus nombreuses, d'autres phénomènes d'inscription de l'Islam dans l'espace français se produisent plus discrètement. On aura cependant pu noter que, ce mois de Ramadan, les chaînes de télévision françaises ont diffusé, pour la première fois, des spots publicitaires vantant des produits hallal. La «révolution silencieuse» qui est en train de se produire, c'est celle du développement, dans la France laïque, de la finance islamique. Certes, la place financière de Paris commence à peine à s'ouvrir aux investisseurs et aux produits islamiques. Mais plusieurs grandes banques françaises, à commencer par la BNP Paribas et la Société Générale, ont constitué des équipes dédiées à la finance islamique. Dans le classement 2007 des institutions financières islamiques établi par «The Banker», la BNP Paribas apparaît même comme la première banque au monde en finance islamique, en termes de profits! Le nouveau magazine bimestriel «Moyen-Orient» relève que, parmi les succès de cette banque, on peut citer l'émission, en 2007, d'obligations islamiques («sukuk») d'un montant de 650 millions de dollars pour un groupe familial saoudien (STCFSC). De plus en plus, BNP Paribas et Société Générale se vouent à la commercialisation de produits conformes au droit musulman. Ainsi, la Société Générale a lancé, dans le département français de l'île de la Réunion, deux titres qui répondent aux exigences de la finance islamique: SGAM Al Baraka Titre et SGAM Al Sharia Liquidité. Dans le même temps, les formations en finance islamique se multiplient en France. En janvier dernier, l'Ecole de management de Strasbourg a ouvert la première formation spécialisée. En novembre prochain, c'est l'Université Paris-Dauphine qui lancera un diplôme sur les principes et les pratiques de la finance «Charia compatible». On sait que, ces dernières années, le point d'équilibre de l'épargne mondiale s'est déplacé vers les pays qu'on appelle «émergents», en particulier les « pétro-monarchies» du Golfe persique, qui ont accumulé d'énormes réserves de change: environ 5.000 milliards de dollars à ce jour. Cette «poche d'épargne» ne trouvant que partiellement à s'investir sur place, elle représente pour plusieurs pays occidentaux une chance formidable pour assurer un meilleur financement de leur économie, particulièrement un meilleur financement de leur balance des paiements. Les Etats-Unis l'ont compris depuis longtemps, puisque les investissements des pays exportateurs de pétrole représentent près de 0, 2% du produit intérieur brut américain. Mais c'est Londres qui domine la gestion des capitaux d'origine islamique. Paris, jusqu'à présent, a été à la traîne. C'est manifestement en train de changer. La crise financière mondiale qui a éclaté voici quelques mois, a montré l'intérêt qu'il y a à disposer de modèles financiers où règne une certaine morale. Or la philosophie de la finance «islamique» semble pouvoir répondre à cette attente, puisqu'elle repose à la fois sur un investissent dans la durée et sur le partage du risque financier.