Plus de trente ans ont passé, depuis ce 10 février 1979 où l'ayatollah Khomeyni a accédé au pouvoir en Iran. Ce jour-là, la révolution islamique qu'il avait pensée et enclenchée, est parvenue à renverser le Shah Mohammad Reza Pahlavi et son régime honni car totalement à la solde des Américains. Cette révolution, l'imam Khomeyni avait envisagé qu'elle parviendrait à se répandre dans tout le monde musulman. Les choses ne se sont pas passées ainsi, notamment du fait que le mouvement était né et s'était développé dans un univers chiite continuant de susciter la méfiance chez les sunnites. Néanmoins, la révolution khomeyniste a provoqué une onde de choc toujours sensible dans tout le monde musulman, et particulièrement au Proche-Orient. Jusqu'à son avènement, le monde musulman semblait relégué aux marges de l'histoire mondiale. La révolution islamique en Iran a précipité celui-ci aux avant-postes de l'actualité. Pas un jour, depuis, où des évènements liés à un revivalisme islamique et à son expression politique ne font parler d'eux. Et même si le régime iranien n'est perçu par personne comme un modèle pour d'autres sociétés majoritairement musulmanes, il continue de représenter un retour en force de l'Islam, une espèce de revanche pour de nombreux peuples musulmans qui se sentent souvent impuissants et méprisés en face des diktats de la politique et de l'économie internationales. Aujourd'hui, l'Iran est le seul Etat qui peut prétendre représenter un véritable danger militaire pour l'existence d'Israël, et cela lui vaut les sympathies de beaucoup dans le monde musulman, particulièrement au sein du monde arabe. Trente ans après le renversement du Shah, la révolution islamique continue d'imposer sa présence sur la scène mondiale. Au pouvoir depuis juin 2005, réélu dans des conditions contestables et contestées en juillet dernier, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad montre un vrai talent pour provoquer l'Amérique et ses alliés. Le pays s'est lancé ces dernières années dans un programme nucléaire, qui est en train de le placer parmi les Etats qui peuvent produire du combustible nucléaire à échelle industrielle. Le régime islamique clame son droit à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, mais les Etats-Unis et les pays occidentaux sont convaincus que l'objectif à peine caché de Téhéran est de développer un programme nucléaire. La découverte récente d'un site nucléaire clandestin, près de la ville sainte de Qom, les a renforcés dans cette conviction. La possible naissance de la bombe atomique iranienne fait peur. Si celle-ci vient à exister, le risque de conflagration avec Israël deviendra certain. Cela incitera aussi d'autres pays de la région à vouloir se doter de l'arme nucléaire: Arabie Saoudite, Egypte, Turquie, Syrie... Les Etats occidentaux sont conscients de la menace. Mais l'Iran ne peut qu'être ménagé. Ce pays est un grand pays dont toute la population manifeste une grande soif de respect international. C'est, également, un des rares pays stables de la région, si on se rappelle ce qu'il en est du Pakistan et de l'Afghanistan. Et aussi détestable puisse être le régime iranien, on ne peut guère critiquer l'exigence d'égale dignité avec les pays occidentaux qu'il fait entendre.