La démolition sauvage de l'habitat anarchique, bidonvilles et autres, est-elle la réponse appropriée pour combattre un phénomène endémique et complexe ? brutale et musclée, cette façon de faire, procède d'une mauvaise lecture du discours royal du Trône du 30 juillet. Le délogement sans une véritable stratégie de relogement risque de renforcer le sentiment de frustration et d'injustice chez une population déjà marginalisée. On ne peut pas détruire le mal par le mal. Week-end noir au bidonville de Bachko à Casablanca. Samedi, vers onze heures, le quartier était le théâtre d'un affrontement entre les forces de l'ordre et les habitants. Et pour cause, un impressionnant déploiement des agents de sécurité et d'autorité ont été sur place avec des bulldozers pour démolir des baraques construites clandestinement. Certains habitants au quartier « El Fassi », situés sur la route de Taddarte, auraient, selon les autorités, procédé à la construction en catimini d'un niveau supérieur de leurs baraques. Mais dès que les traxes ont commencé à détruire les baraques, les habitants ont attaqué violemment les forces de l'ordre avec les jets de pierres. La colère des habitants n'a été maîtrisée qu'après avoir été aspergés par le jet d'eau des camions-citernes des sapeurs-pompiers. Un commissaire a été blessé et pas moins de douze personnes résidant au bidonville ont été arrêtées. Les habitants dont les baraques ont été visées affirment que ces extensions ont été effectuées, il y a des années, et dans certains cas, en contrepartie d'une somme d'argent versée en noir aux différents agents de l'autorité. Ils se demandent où étaient ces responsables lors de la construction, ou de l'extension des baraques? Comment des habitants pourraient procéder à des travaux de construction sans qu'ils ne soient repérés par le mokaddam qui sillonne les rues du bidonville et rend compte chaque jour ? A moins, se demandent-ils à juste titre, que les responsables se sont réveillés tard par la fermeté du dernier discours Royal concernant ce fléau social. Mais ils ont oublié que le Souverain avait déjà tiré la sonnette d'alarme dans son discours en août 2001 à l'occasion de la fête de la jeunesse et de celle de la révolution du Roi et du peuple. Entre 2001 et 2003, plusieurs extensions ont été effectuées dans ce bidonville qui compte environ 2000 baraques. Situé, sur un terrain d'environ neuf hectares, encerclé par deux routes, Makka et Taddart, les immeubles de l'Etablissement Régional d'Aménagement et de Construction (ERAC) et l'autoroute, pas loin de la cité Oasis, le bidonville de Bachko, est le lit de tous les phénomènes de la société. Un monde entièrement à part. Des ruelles, dont la largeur ne dépasse pas 50 centimètres, et encore moins dans certains cas. Des enfants portant des habits déchirés et complètement maculés jouent dans la poussière entre les rues et devant leurs habitations. Des femmes qui exposent le linge sur des filets placés entre les baraques et restent sur place pour le surveiller de près. Ce bidonville, qui existe depuis plus de cinquante ans, est devenu un point noir dans la capitale économique d'autant plus qu'il n'est pas loin du centre-ville de la métropole. Mais à défaut d'une politique nationale en matière de lutte contre l'habitat insalubre, le projet de recasement de ces bidonvillois, comme tous les autres dans les différentes régions du pays, tarde à voir le jour. Pourtant ce quartier a fait l'objet de plusieurs études par les pouvoirs publics afin de reloger ses habitants dans des logements décents. Il faut rappeler que le ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, de l'Habitat et de l'Environnement, Mohamed El Yazghi avait déclaré, en 1999, que les habitants de ce quartier allaient être recasés, dans des appartements construits dans ce sens. Mais la situation n'a pas changé d'un iota. Pis encore, le programme de recasement prévu a eu des effets « négatifs ». Puisque les habitants ont commencé à redoubler clandestinement les constructions dans le but de bénéficier de plusieurs lots de terrain ou d'appartements. Chose qui a poussé les autorités à intervenir, de la même manière que la dernière fois, durant un week-end, pendant le mois de ramadan 2000, pour démolir toutes les baraques construites clandestinement. A cette époque, la population n'avait pas réagi et l'opération s'était déroulée sans incident entre les forces de l'ordre et les habitants du bidonville. La réaction violente du week-end dernier explique que les habitants dont les baraques ont été touchées se sont habitués à l'extension de leurs demeures qu'ils avaient effectuées, il y a longtemps et ce, en complicité avec les mêmes autorités. Le branchement du bidonville au réseau électrique avec des autorisations, des factures en bonne et due forme, comme tout le monde dans les quartiers décents, encourageait les habitants à procéder à des réaménagements au sein de leurs « demeures », voire même à des extensions. Ce qui est curieux est que l'Etablissement Régional d'Aménagement et de Construction (ERAC) avait construit dans les parages de ce bidonville un ensemble d'immeubles en principe destinés à reloger les bidonvillois de Bachko. Mais par la suite ces logements ont été alloués à d'autres familles, venues d'ailleurs. Et depuis le discours Royal du 20 août 2001, lorsque le Souverain a érigé la question de l'habitat insalubre en « priorité absolue », les habitants de ce bidonville attendent toujours une solution leur permettant de bénéficier d'un logement décent.