L'article publié dans notre édition datée de mardi sur la base d'un entretien avec M. Brahim Benjelloun-Touimi, Secrétaire général du groupe BMCE Bank comportait des contre-sens dus à un rewriting hasardeux de la part de notre service Economie et Finances. Pour lever toute équivoque sur la teneur des propos de M. Benjelloun-Touimi et restituer fidèlement son analyse à propos de l'impact de l'euro sur l'économie marocaine, nous reproduisons in extenso l'interview que le concerné a bien voulu nous accorder, en le priant, ainsi que nos lecteurs, d'excuser cette maladresse commise dans le feu de l'action. Aujourd'hui Le Maroc : Les entreprises marocaines sont-elles prêtes pour ce nouveau contexte de la monnaie unique européenne ? Quelles sont les conséquences de ce passage à l'euro sur les diverses opérations d'export et d'import des sociétés marocaines? Brahim Benjelloun-Touimi : Ce n'est pas tant que les entreprises marocaines puissent être prêtes pour l'introduction depuis le 1er janvier 2002 de l'euro fiduciaire -sous forme de billets de banques et de pièces auprès de quelque 300 millions de consommateurs européens – que, ces entreprises, d'être convenablement préparées à affronter chaque jour davantage la concurrence des entreprises étrangères. Celles-ci vont, à la faveur de l'intégration de l'économie marocaine dans son environnement régional euroméditerranéen, être de plus en plus présentes par leurs produits et services et par leurs capitaux, sur notre sol. D'ores et déjà, 60 % des importations marocaines sont originaires de l'Union européenne, les trois-quarts de nos exportations, 40 % de la dette extérieure et plus des 2/3 de nos réserves de change. Ce sont également 60 % des investissements étrangers dans notre pays qui sont européens. Alors considérons la facette potentiellement très favorable pour le Maroc et pour l'entreprise marocaine de l'unification de l'espace européen, sans complaire dans une attitude de morosité et de «maroco-pessimisme». C'est décisif. L'Union européenne en voie de l'élargissement rassemblera, dans un proche avenir non pas 15, mais 25 puis plus tard une quarantaine de pays. Elle continuera, pour longtemps, de représenter le premier partenaire économique, commercial et financier du Maroc, des pays du Maghreb et en fait, de l'ensemble de la zone Méditerranée. Les entreprises marocaines devront pouvoir travailler plus aisément sur chacun de ces marchés puisque, disparaît le risque de change entre le dirham et plusieurs de ces monnaies qui disparaissent au profit de l'euro. Or, notre monnaie est, du fait du choix de régime de change arrêté par les autorités monétaires du Maroc, désormais plus stable vis-à-vis de la devise européenne. Les coûts de transaction sont, de facto, réduits. Nos exportations devraient pouvoir être davantage promues et, parmi celles-ci, celles de services par excellence que représente le tourisme. Pareillement, les coûts des intrants-pour nos importations- devraient, du fait d'une concurrence plus avivée des prix entre les marchés européens – Euro oblige- connaître une plus grande stabilité et ainsi être davantage maîtrisés. Par ailleurs, qui dit unification monétaire européenne dit consolidation des systèmes financiers européens et partant, au-delà des sources de financement géographiques traditionnelles, un potentiel élargi de financement pour les entreprises marocaines procédant de partenaires européens nouveaux, pourvu que nous, Marocains, sachions être sérieusement attractifs pour l'investissement étranger. Le renforcement du poids économique de l'Europe, devrait, compte tenu de la synchronisation de leurs cycles économiques avec celui de l'économie du Vieux Continent, bénéficier aux partenaires les plus compétitifs de l'Union européenne, dont le Maroc devrait se compter. Existe-t-il un risque de change entre l'euro et les autres monnaies ? Dans le système financier en international du début du 21ème siècle, trois monnaies par ordre d'importance, le dollar, l'euro, puis dans une moindre mesure le yen, domineront la scène. Ces trois devises ont « vocation » pour longtemps à fluctuer entre elles sur les marchés internationaux de New York, Londres, Tokyo et ailleurs, sur les places internationales. D'un point de vue d'une entreprise marocaine, ce qui importe, c'est le taux de change entre le dirham et chacune de ces monnaies, davantage qu'avec quelques autres devises tierces qui, d'une manière ou d'une autre, sont liées à l'une ou l'autre de ces trois devises majeures. Or, la manière dont la valeur externe du dirham est déterminée permet précisément de réduire le plus possible –schématisons- les variations entre notre monnaie et l'euro d'une part, et le dollar d'autre part. Le risque de change est donc potentiellement plus maîtrisé. En tout état de cause, les institutions financières marocaines offrent à leur clientèle des produits ou services financiers pour «verrouiller» ces risques de change, c'est-à-dire, pour permettre à un client, sur une période donnée, de se couvrir contre l'incertitude de variation de la valeur de la devise -une fois exprimée en dirhams- entre le moment où il engage la transaction commerciale ou financière correspondante et, respectivement, celui où il reçoit effectivement la devise qu'il doit convertir en dirham (lorsqu'exportateur) et le moment où il doit régler la devise concernée et donc, au préalable, l'acheter contre des dirhams (lorsqu'importateur). En définitive, ma conviction d'économiste autant que de financier est que, risque de change ou pas, l'Europe de l'euro représente un gisement d'opportunités pour l'économie marocaine que chacun entreprise industrielle ou de services, institution financière voire autorités publiques-, doit savoir exploiter.