Plus de 33 ans après leur expulsion d'Algérie, 350.000 Marocains demandent que justice soit rendue. Ils attendent toujours des excuses officielles de la part de Abdelaziz Bouteflika, témoin de cette opération de déportation. Plus de 33 ans de souffrance, mais jamais sans perdre espoir. L'espoir de retrouver une dignité bafouée par l'Algérie en 1975. C'était Aid El Kébir quand l'Etat algérien a décidé de «sacrifier» 350.000 Marocains. Refoulés dans des conditions inhumaines, maltraités pour certains, dépouillés de leurs biens, séparés de leurs proches, arrachés à leur terre natale… Ces familles portent, jusqu'à aujourd'hui, les séquelles d'une opération d'expulsion, montée et exécutée au lendemain de la Marche Verte. En témoigne le récit poignant de Kaïma Belaouchi (Voir entretien page 6). À cœur ouvert, cette journaliste sportive raconte ce qu'elle a enduré avec sa famille alors qu'elle avait à peine 10 ans. En pansant ses blessures, Kaïma exige qu'une journée commémorative soit célébrée. Histoire de jeter toute la lumière sur un épisode, certes triste, mais qui ne doit en aucun cas tomber dans les oubliettes. Plus de 33 ans après, que veulent ces Marocains au juste ? Tout a été explicité dans une lettre envoyée, il y a trois ans, à Abdelaziz Bouteflika qui vient de rempiler pour un troisième mandat et qui connaît très bien cet épisode puisqu'il était à l'époque ministre des Affaires étrangères. Aucune réponse. Et ce n'est pas cela qui va ébranler la ferme volonté de ces victimes qui ont constitué en 2005 une Association de défense des Marocains victimes des expulsions arbitraires d'Algérie (ADEMA). «Nous avons la loi de notre côté. Nous ne renoncerons jamais à nos droits», assure Mohamed El Herouachi, président de l'ADEMA, et lui-même victime. «En 2006, nous avons envoyé une lettre à Bouteflika pour lui expliquer nos revendications qui sont au nombre de cinq. Tout d'abord nous revendiquons l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie. Nous revendiquons en second lieu à ce que les propriétés qui ont été soustraites aux victimes leur soient rendues. Nous demandons également une réparation des préjudices subis par les victimes. Nous revendiquons en quatrième lieu des excuses officielles de l'Etat algérien. Et enfin, nous plaidons pour des investigations à propos des crimes qui ont été commis par l'Algérie», souligne-t-il. Multipliant les conférences et les rencontres avec les associations de droits humains, ces Marocains n'épargnent aucun effort pour faire connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire. Croyant dur comme fer à leur cause, ils demandent que justice soit rendue. «Le motif qui explique l'acte algérien est purement politique. La rage du pouvoir algérien qui n'a pu accéder au Sahara, c'est-à-dire à l'océan Atlantique. La rage de Boumediene qui n'a pas pu enclaver le Maroc, ce qui l'a empêché de prendre le leadership du Maghreb et en conséquence de l'Afrique», affirme Abderrahim Bouhmidi, président de l'Institut marocain des juristes francophones. Aujourd'hui, Malika Benradi, avocate à Rabat, estime qu'une enquête internationale est nécessaire pour lever le voile sur toutes les violations subies par les Marocains et responsabiliser l'Algérie pour l'amener à reconnaître la situation et à présenter officiellement ses excuses aux Marocains. «Encore faut-il que l'Algérie reconnaisse sa responsabilité. Mais avec leur «nif» (orgueil mal placé), les responsables de ces crimes sont loin de devenir raisonnables», tient à préciser Bouhmidi. La dignité de 350.000 Marocains est sacrifiée sur l'autel de l'orgueil, conclut une autre victime qui a été contrainte de tout laisser en Algérie.