Les flots d'images de poignées de mains et de sourires, et la déclaration finale aux termes longuement disputés entre diplomates voudraient accréditer l'idée que le Groupe des 20 fait société. Vingt chefs d'Etat et de gouvernement se sont donné rendez-vous cette semaine à Londres. L'ordre du jour était clair : annoncer leur commune détermination à sortir le monde de la crise financière et économique. Ce qui l'est moins, ce sont les critères de sélection des participants : pourquoi vingt et pourquoi pas un, deux ou dix Etats en plus, ou en moins? Faciliter les échanges, optimiser l'efficacité de la discussion ? Mais alors pourquoi ces vingt-là et pas d'autres ? Trêve de questions naïves. Le G 20 réunit des «numéro un» en dehors de toute considération d'affinités personnelles, de communauté de principes, de visions ou d'objectifs politiques. Ce qu'ils ont en commun, c'est de diriger soit les plus riches, soit les plus armés, soit les plus peuplés des pays de la planète. Les flots d'images de poignées de mains et de sourires, et la déclaration finale aux termes longuement disputés entre diplomates voudraient accréditer l'idée que le Groupe des 20 fait société. Mais de quelle société s'agit-il ? Que devient l'union des Nations que les alliés, s'apprêtant à vaincre le nazisme, avaient rêvé à Philadelphie en 1944 ? Et pour laquelle ils ont su coupler des principes avec des institutions, le tout dédié à la prévention des conflits (Conseil de sécurité), à la réduction de la pauvreté (Banque mondiale), à la stabilité monétaire (FMI), à la justice sociale (OIT), à la santé (OMS), à la culture (UNESCO), au développement (CNUCED, PNUD), à l'environnement (PNUE)… Bridées par les clivages entre leurs bailleurs de fonds, et piégées par leur incapacité à résister à leurs propres pentes bureaucratiques, ces institutions ont pris un terrible coup de vieux. Est-ce une raison pour les contourner, les enfermer dans l'impuissance ? Avec sa guerre contre l'Irak, en appui sur une coalition agissant hors mandat du Conseil de sécurité, le président Bush avait solennisé en 2003 la fin du multilatéralisme politique. Avec le G20, est-ce un directoire mondial qui se met en place ? Avec quelles garanties, pour tous ceux qui n'en sont, de pouvoir être entendus ? Les gigantesques manifestations qui ont eu lieu cette semaine contre le G20 en Europe et à Londres avaient pour dénominateur négatif commun la peur de l'avenir. Qu'on soit ou non d'accord avec eux, tous ces cortèges d'anti et d'altermondialistes, d'anarchistes, d'environnementalistes, de souverainistes, de progressistes et de réactionnaires incarnent une aversion montante contre les dégâts sociaux et environnementaux et les scandales en tous genres de la mondialisation. Les peuples attendent des réponses qui ne peuvent valablement être que multilatérales. A défaut, ce sont les protectionnistes et les démagogues qui en gagneront les esprits et les votes. Un scénario que le monde a connu au siècle précédent. Et qui a conduit à la guerre.