Au Maroc comme en France, on se souvient du drame survenu en octobre 2002 en banlieue parisienne, à Vitry-sur-Seine: la mort de Sohanne, 17 ans, brûlée vive dans un local à poubelles pour avoir voulu rompre avec son «petit ami», un garçon de 19 ans, Nordine. Ce crime a donné naissance à un mouvement de dénonciation du «sexisme de banlieue», issu du mouvement «SOS Racisme» : «Ni Putes Ni Soumises» (NPNS), organisation dont le titre a choqué plus d'une femme et plus d'un homme. Déclarant la guerre à toutes les formes d'exploitation et de dégradation de la femme en banlieue: viols, mariages forcés, polygamie, mais aussi imposition du voile islamique, l'association a eu très vite la faveur des grands médias et des partis politiques français, tant son discours «colle» bien aux stéréotypes qui stigmatisent à souhait l'Islam et le comportement des hommes arabes. La présidente de cette association, Fadela Amara, une jeune femme d'origine algérienne jusque-là inconnue, va connaître une ascension fulgurante, puisqu'on la retrouve membre du gouvernement français depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. Parti d'un événement dramatique qui méritait, en effet, l'indignation (la mise à mort de Sohanne), le mouvement NPNS (le sigle est moins violent que le nom complet!) est très vite devenu un outil supplémentaire de dévalorisation des garçons des cités, caricaturés comme étant presque tous « machos» et intégristes. Comme l'a constaté le sociologue Laurent Mucchielli : «Peu à peu une équation au simplisme effrayant s'est imposée : Islam des Maghrébins équivaut à non-intégration, plus violence, plus antisémitisme, plus oppression des femmes. De sorte que ce sont progressivement toutes les valeurs que nous concevons comme le fondement de la civilisation occidentale qui seraient niées par ces populations perçues comme un autre bloc civilisationnel: l'Orient musulman». A ce mouvement, quelques jeunes essayèrent, en 2003, d'opposer un autre slogan : «Ni Proxos Ni Machos», mais la tentative tourna court. Or voilà que NPNS s'installe au Maroc, une antenne venant d'être créée à Rabat! Le mouvement continue de ne pas faire «dans la nuance» et conserve, en s'exportant, son appellation provocatrice et réductrice, ce qui donne, en arabe : «La Baghiya La Khaniaâ». On ne prétendra pas, bien entendu, qu'il n'y a pas, au Maroc, de très nombreuses situations où filles, jeunes filles et femmes connaissent des conditions d'existence inacceptables. On ne dira pas qu'il n'y a pas matière à protester et à lutter. Mais est-ce vraiment servir la cause des femmes que de parler de «putes», surtout dans un pays, le nôtre, où tant et tant de jeunes se jettent dans la prostitution pour tenter d'échapper à la misère? En utilisant cette appellation, NPNS enfonce encore plus ces jeunes dans leur descente aux enfers, niant la dignité à laquelle même «les putes» ont droit ! Au demeurant, est-ce en utilisant la vulgarité qu'on fait œuvre de pédagogie? Est-ce en nourrissant des amalgames publicitaires qu'on libère ?