Il n'est pas très facile, pour des musulmans, de se repérer dans la «constellation» des Eglises chrétiennes. Au cours de l'histoire, au XI ème siècle, chrétiens d'Orient et chrétiens d'Occident ont été amenés à se séparer pour des raisons au moins autant politiques que théologiques (d'un côté les catholiques romains, de l'autre les orthodoxes). Cinq siècles plus tard, l'Europe se déchirait entre chrétiens catholiques et chrétiens protestants. Depuis une quarantaine d'années, un important mouvement de réconciliation et d'unité (le «mouvement œcuménique») existe au sein de toutes ces Eglises. Mais de nouvelles séparations se produisent, particulièrement avec l'éclosion de nouvelles Eglises dites «évangéliques» ou «pentecôtistes» (une mouvance fondamentaliste à laquelle appartient l'ex-président George Bush). L'Eglise catholique romaine est la plus importante de toutes ces Eglises (elle rassemble plus de la moitié des chrétiens du monde). A la suite d'un mouvement de «remise à jour» de son rapport au monde dans les années 1960 (avec le Concile Vatican II), elle a connu un schisme provoqué par des catholiques intégristes refusant les ouvertures décidées. Derrière un évêque particulièrement réactionnaire, Marcel Lefèbvre, se sont ainsi constitués en communauté ecclésiale intégriste quelque deux cent mille ou trois cent mille baptisés. L'actuel pape, Benoît XVI, qui était alors connu comme le cardinal Joseph Ratzinger, a été traumatisé par cette déchirure, et il voudrait pouvoir la réduire avant de mourir. Mais à quel prix? Depuis quelques jours, l'Eglise catholique, en France et en Allemagne (les deux pays les plus concernés par ce schisme), se trouve particulièrement déconcertée à la suite de la levée de l'excommunication des quatre évêques schismatiques léfèbrvistes que vient de prononcer le pape. Est-il souhaitable, en effet, au nom de «l'unité», de réintégrer des personnages aux idées dangereuses, comme cet évêque anglais antisémite qui affirme que les chambres à gaz nazies n'ont pas existé? On le voit : toutes les grandes religions, christianisme comme Islam, judaïsme comme hindouisme, sont confrontées, aujourd'hui à ce dilemme. Que faire avec nos «ultras», nos intégristes? Les exclure loin de nous, au risque cependant de les radicaliser? Les «embrasser», en espérant les voir évoluer de manière positive, au risque d'apporter encore plus de désordre et de divisions dans nos communautés? Les intégristes et les fondamentalistes chrétiens et musulmans généralement se maudissent les uns les autres. En même temps, ne sont-ils pas «frères en idéologie»? Tous les intégristes s'érigent «contre» les autres. Ils sont dans un état d'esprit où le jugement d'autrui est constant. Ils voient le monde «en noir et blanc» et témoignent d'un désir de pureté qui se confond avec une méfiance puritaine pour le corps et la sexualité, le plaisir, voire le bonheur. Ils se barricadent dans des corps de doctrine qu'ils veulent définitivement clos. N'aimant pas la vie, ils cherchent à rendre celle des autres impossible. L'Internationale intégriste!