Manouchehr Mottaki a posé un gigantesque lapin à Bernard Kouchner qui organisait au château de la Celle-Saint-Cloud une réunion des pays voisins de l'Afghanistan. Il flotte comme une forte odeur de crise entre la France et l'Iran. Dernière manifestation de cette tension, le ministre des Affaires étrangères iranien, Manouchehr Mottaki, a posé un gigantesque lapin à Bernard Kouchner qui organisait au château de la Celle-Saint-Cloud une réunion des pays voisins de l'Afghanistan, destinée à cordonner les efforts de stabilisation de ce pays menacé par le retour éminent des talibans et la chute de Hamid Karzai. Une réunion à laquelle ont participé des pays comme le Pakistan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan, la Turkménistan, la Chine, l'Inde, la Russie, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie. Une déclaration sous forme de constat essentiel est sortie de cette rencontre selon laquelle: «il ne peut y avoir de sécurité et de paix sur le long terme dans la région sans un Afghanistan stable, en sécurité, prospère et démocratique». Jusqu'à la dernière minute, les Iraniens ont joué le suspense. Mais l'affront fait aux Français était tel qu'ils ne se sont même pas fait représentés par leur ambassadeur à Paris. Le boycott était total et la posture destinée à exprimer la plus sombre des mauvaises humeurs. Le porte-parole du Quai d'Orsay, Eric Chevalier, joue les fatalistes désabusés : «Une fois le constat fait que l'Iran n'était pas là alors qu'il avait confirmé sa venue, tout le monde s'est mis au travail». L'origine de cette brusque montée de tension entre Paris et Téhéran est à trouver dans les déclarations récentes de Nicolas Sarkozy qui, le 8 décembre dernier à l'occasion du 60 ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme , a redit à l'adresse du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qu'il lui était «impossible de serrer la main de quelqu'un qui a osé dire qu'Israël devait être rayé de la carte». Première réaction des Iraniens, l'ambassadeur de France à Téhéran, Bernard Poletti, fut convoqué par le ministère des Affaires étrangères iranien pour lui passer un vrai savon diplomatique. Une mise en garde sur «les conséquences dans les relations entre les deux pays de la répétion de tels propos irréfléchis par des responsables français» lui a été adressée. Puis, l'intéressé lui même, le président iranien avait réagi publiquement aux remarques de Nicolas Sarkozy. Prenant un air offensé, Ahmadinejad contre-attaque : «nous ne considérons pas cette remarque comme ayant une quelconque crédibilité politique». Paris alimente la polémique en tentant de cadrer le débat. Le Quai d'Orsay tente alors d'argumenter les propos de Nicolas Sarkozy : «Les déclarations des autorités iraniennes qui remettent en cause le droit (d'Israël à exister) sont inacceptables et ne peuvent avoir qu'un impact négatif sur la perception de l'Iran par la communauté internationale». La diplomatie iranienne a, de son côté, tenté de justifier son absence lors de la rencontre des pays voisins de l'Afghanistan dans la banlieue parisienne et mettre toute la responsabilité sur le leadership français : «à la veille d'une telle conférence, des déclarations non-diplomatiques ont été faites et les traditions qui vont de pair avec de tels forums ont été ignorées. Pour cette raison, l'Iran n'a pas participé». De manière générale et au delà des critiques adressées à leur président, les Iraniens reprochent aux Français de s'être alignés dans leur approche iranienne sur l'administration américaine. Toutes les occasions sont bonnes pour Manouchehr Mottaki de le rappeler : «La réputation de la France a été gravement entachée en raison de sa propension à suivre la politique de Washington». De nombreux commentateurs estiment que cette brusque tension entre les deux pays dépasse largement le simple niveau d'échanges «d'amabilités» entre les deux présidents. Les Iraniens seraient simplement choqués et apeurés par la grande idée politique qui se profile actuellement à l'horizon et qui voudrait que, sous un parapluie saoudien, un dialogue politique soit ouvert avec les Talibans, le prix à payer pour la stabilisation de l'Afghanistan. Cette stratégie défendue par l'Arabie Saoudite sunnite déplaîrait royalement à l'Iran chiite qui voudrait empêcher par tous les moyens le retour en influence des ennemis mortels d'hier.