Une artiste afghane a osé se montrer à la télé sans la tenue de rigueur à Kaboul. Inimaginable au temps où les Taliban étaient au pouvoir. L'enregistrement ne date pas d'hier, la ritournelle est bien connue en Afghanistan mais le clip vidéo montrant une chanteuse locale sur le petit écran à Kaboul est un événement en soi: vêtue d'un chemisier rouge et blanc, la tête couverte d'un voile de tulle, la chanteuse est apparue à visage découvert, une première depuis des lustres. Dans un pays où aucune femme ne sort de chez elle sans sa burqa (ou tchadri) la couvrant de la tête aux pieds, voir le visage d'une Afghane à la télévision est un événement. La chose était courante sous le régime communiste jusqu'en 1992 mais, depuis une décennie, ce genre d'apparition était exclu. Quant aux Taliban, ils avaient carrément interdit la télévision et toute musique non religieuse lors de leur passage au pouvoir entre 1996 et 2001. Depuis la chute du régime taliban, les seules femmes montrées à l'écran sont des étrangères, les actrices des films indiens par exemple. Quant à la musique, elle a fait un retour en force. Les disques pirates de Salma ou de Farhad Darya, une chanteuse afghane vivant en Allemagne, sont en vente libre à Kaboul. Mais Salma est afghane et les quatre minutes qu'ont duré sa chanson lundi soir, une ode en pashtou à la beauté des montagnes d'Afghanistan, n'ont pas fait le bonheur de tout le monde dans un pays à la pudibonderie viscérale. Seule circonstance éventuellement atténuante pour les tenants de l'ordre moral, la séquence a été vue par une petite minorité, les Kaboulis assez riches pour avoir une télévision et assez chanceux pour que l'électricité ne soit pas coupée à ce moment-là dans leur quartier. La télévision afghane n'est pas reçue en dehors de la capitale. L'un des juges adjoints à la Cour suprême n'est manifestement pas tombé sous le charme: "Cette erreur ne doit pas être répétée", a déclaré Fazel Ahmed Manawi interrogé par l'agence Associated Press. "Dans la Constitution, il y a un article qui dit que les choses allant contre l'islam ne sont pas permises."