Le silence des officiels, que Mezouar s'apprête à rompre, est un véritable mépris pour les Marocains. L'attitude zen n'est pas un signal de sérénité et elle est même un peu niaise et je suis gentil. Cela ne fait plus de doute, nos responsables nous infantilisent et de manière grave. M. Salaheddine Mezouar, charmant garçon au demeurant, va enfin s'exprimer sur la crise. Il a préféré se taire pendant que la tempête mettait à bas le système néo-libéral et menaçait sinon de ruine, du moins de mue obligée, le capitalisme. Son silence est assourdissant, car au même moment, le très officiel «Le Matin» nous annonçait que la loi de Finances 2009 prévoyait l'équilibre budgétaire, et l'augmentation des recettes fiscales, tout en diminuant quelques taux d'imposition. C'est lui qu'ils auraient dû mettre au chevet de Wall-Street! Il était intervenu, il y a un mois, pour dire que la Bourse marocaine n'est pas liée à l'étranger, ce qui est vrai, mais n'empêche pas la place de Casablanca de sombrer, malgré de puériles manipulations de cours. Sans sortir de Polytechnique, on peut comprendre que la récession mondiale aura un impact sur les ressources de Monsieur Mezouar. Les exportations, le tourisme et donc l'artisanat, les transferts des MRE, tout cela va baisser et baisse déjà. Dans cette situation de contraction de l'économie, le budget ne peut ressembler comme deux gouttes d'eau à celui de l'année d'avant. Il est vrai cependant qu'il n'y a aucun modèle mathématique permettant de prévoir de manière chiffrée l'impact de la crise et l'étendue des dégâts, les actions entreprises par l'Etat pouvant d'ailleurs influer sur cet impact. Ce qui est terrible avec le gouvernement El Fassi, c'est cette léthargie lénifiante qui renvoit systématiquement à l'état de santé de son premier. Or sur ce sujet, celui de la crise, personne ne l'accuse de quoi que ce soit et pour une fois, il aurait pu être écouté avec intérêt. Son mutisme a été aggravé par le traitement médiatique. Le pôle public s'est montré ridicule, au point que l'on a mal pour les professionnels qui continuent à hanter ses salles de rédaction. Ils ouvrent le journal, après les activités officielles, par une association de quartier quand Londres nationalise ses banques pour éviter la faillite. Ils donnent l'impression qu'ils vont conjurer le sort en minimisant l'événement. Résultat, les Marocains cherchent l'information ailleurs, et le choc des images produit l'effet de panique, de sinistrose qu'on aurait pu éviter. Sur ce coup là, comme sur beaucoup d'autres, nos télés sont nulles. Les Radios privées et la presse écrite prouvent au quotidien que les Marocains sont mûrs pour mener un tel débat et que ce peuple a une conscience politique aiguë. Le silence des officiels, que Mezouar s'apprête à rompre, est un véritable mépris pour les Marocains. L'attitude zen n'est pas un signal de sérénité et elle est même un peu niaise et je suis gentil. Maintenant sur les chiffres, le ministre des Finances fait une grave erreur. L'inflation est à 4,8 et va augmenter ne serait-ce que par importation, les liquidités vont venir à manquer et donc les banques finiront par relever leurs taux, et leur «patriotisme» n'est pas sans limite. Ses recettes ont déjà baissé, il n'y a plus de plus-values boursières, les assurances vont provisionner la détérioration des cours de leur portefeuille, le tourisme déclare une baisse des réservations en novembre et décembre, Addoha ne fera pas les 2,5 milliards DH de profits annoncés, les grands groupes tirent la langue, la TVA suivra la chute de la consommation, etc. Le courage politique, c'est de se préparer au pire, pour n'avoir que de bonnes surprises. Et on peut en avoir et profiter de la crise en allant chercher les délocalisations et en se plaçant au mieux dans la redistribution des cartes qui s'annonce. Ce n'est pas un gouvernement estropié qui peut le faire. Mais de là, à se cacher face à une bourrasque pareille, il y a une gouffre que les ministres ont enjambé. Cette position frileuse a deux explications possibles. La première, c'est que la situation est trop compliquée pour eux, la seconde, c'est qu'ils ont la mort de Lehman Brothers sur la conscience. A vous de choisir celle qui vous convient.