Champion du monde à l'export, l'Allemagne se trouve fragilisée par le ralentissement économique mondial et son produit intérieur brut s'est contracté au deuxième trimestre, pour la première fois depuis 2004. En dépit de ses fondamentaux économiques sains, l'Allemagne est confrontée à la perspective de plusieurs trimestres de stagnation, voire de récession, en raison du coup d'arrêt porté à l'expansion de ses exportations. «Tout ce qui arrive à nos partenaires commerciaux arrive en Allemagne, avec un petit décalage», résume Holger Schmieding, économiste de Bank of America. Le sentiment de frustration est palpable. Les Allemands ressentent fortement le fait que leur économie est plombée par les retombées de la crise financière américaine, même si le secteur bancaire allemand déplore lui aussi des victimes du «subprime», à commencer par IKB. «Nous faisons partie des forces de stabilisation dans cette folie qui se déroule actuellement autour de nous», a commenté jeudi dernier le vice-ministre de l'Economie Hartmut Schauerte. «Nous n'avons pas commis les erreurs que les Anglo-Saxons ont commises. Nous n'avons pas tout misé sur les services financiers». L'immobilier de logement est traditionnellement marqué en Allemagne par une forte prééminence de la location par rapport à la propriété, ce qui a épargné au pays une bulle immobilière comme celle que les Etats-Unis et d'autres pays industrialisés ont connue. Selon la fédération bancaire BdB, il n'y a pour l'heure aucun signe statistique d'assèchement du crédit en Allemagne. De plus, les gains de productivité engrangés par l'Allemagne ont permis au pays de maintenir depuis 2003 sa position de plus gros exportateur mondial. Pour autant, les industries qui ont soutenu la croissance allemande ressentent l'impact de l'affaiblissement de leurs partenaires économiques étrangers. Champion du monde à l'export, l'Allemagne se trouve fragilisée par le ralentissement économique mondial et son produit intérieur brut s'est contracté au deuxième trimestre, pour la première fois depuis 2004. La fédération de l'industrie chimique VCI, qui représente environ 13% des exportations allemandes, a abaissé mercredi sa prévision de croissance de chiffre d'affaires du secteur pour cette année, de 5,5% à 4,5%. VCI a invoqué le ralentissement économique américain, la cherté des produits pétroliers et le fermeté de l'euro. «Les entreprises de la chimie commencent maintenant à ressentir l'impact de la crise financière américaine et l'affaiblissement du dynamisme de l'industrie européenne», a déclaré VCI. Le marché anticipe une nouvelle dégradation de l'indice Ifo du climat des affaires, déjà au plus bas de trois ans en Allemagne. La première économie d'Europe, qui risque de connaître un nouveau trimestre de contraction d'activité pour la période de juillet à septembre, est ainsi confrontée à la probabilité d'une récession «technique», perspective étayée par le pessimisme affiché vendredi dernier par le ministère allemand des Finances. L'indice Ifo pour le mois de septembre sera publié mercredi. Les chiffres du commerce extérieur pour le mois d'août ne seront connus que le 9 octobre. Jürgen Michels, économiste de Citigroup, table pour cette année sur une croissance des exportations allemandes de 4,7% après 8% en 2007. Le phénomène de décélération devrait prendre de l'ampleur l'an prochain et les exportations allemandes ne devraient croître que de 2% au mieux en 2009. Le ministre des Finances Peer Steinbrück s'efforce de préparer le terrain. La «grave crise bancaire va provoquer un ralentissement de l'activité économique», a-t-il dit mercredi dans le quotidien Passauer Neue Presse, en ajoutant qu'il est «réaliste» de pronostiquer une croissance du PIB entre 1,0% et 1,2% pour 2009. Le gouvernement table officiellement sur une expansion de 1,2% en 2009, après 1,7% attendu en 2008. Le PIB allemand a progressé de 1,3% au premier trimestre de cette année, mais il s'est contracté de 0,5% au deuxième. Et le ministère des Finances a prévenu vendredi que le troisième trimestre se solderait vraisemblablement par une nouvelle contraction. • Paul Carrel (Reuters)