Ségolène Royal, qui se trouvait alors en pleines manœuvres politiques pour imposer son équipe dans la course vers la conquête du Graal du Congrès de Reims, s'est payé le luxe de se moquer du président de la République. Les apparences peuvent être trompeuses et le calme des postures illusoire, mais le discours économique que Nicolas Sarkozy s'apprête à prononcer ce jeudi à Toulon devant près de 4000 personnes est sans conteste l'un des moments les plus difficiles de cette première moitié de son quinquennat. Il s'agit d'une heure de vérité sans fard entre un homme qui a été élu comme le président du pouvoir d'achat, une opinion ravagée par les multiples et irréversibles hausses des prix et un gouvernement tiraillé entre l'attractive tentation de la rigueur et l'indispensable dynamique de la réforme. Ce discours intervient au lendemain d'une crise financière mondiale sans précédent depuis les années 30 et à la veille de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi de Finances 2009-2011. Dès le début de cette crise, il a longtemps été reproché à Nicolas Sarkozy d'être resté silencieux devant cette tornade qui menaçait d'engloutir les plus solides places financières. Ségolène Royal, qui se trouvait alors en pleines manœuvres politiques pour imposer son équipe dans la course vers la conquête du Graal du Congrès de Reims, s'est payé le luxe de se moquer du président de la République : «Il y a une crise financière, et que fait Nicolas Sarkozy ? Rien, il est là, les bras ballants, en train de nous faire des taxes sur les pique-niques. Où on est, là ? ». Le PS venait d'exiger un débat parlementaire d'urgence et le Parti communiste de dénoncer «un silence assourdissant». Face à ces critiques, l'Elysée faisait savoir que Nicolas Sarkozy prendrait le temps de formuler une réponse à cette crise et qu'il la présenterait aux Français lors du discours de Toulon. Entre-temps, il avait prononcé son discours devant les Nations unies réunies en Assemblée générale. Le président français a profité de cette tribune pour dévoiler la thérapie qu'il préconise à cette grande fièvre financière mondialisée. Les solutions de Nicolas Sarkozy passent par la convocation en novembre d'un sommet du G8 ouvert aux pays émergents pour «pour réfléchir ensemble aux leçons à tirer de la crise financière la plus grave qu'ait connue le monde depuis celle des années 1930». Sommet qui pourrait se tenir à Londres, Bruxelles, Washington, New York ou Paris. Il propose au passage un «espace économique commun à la Russie». Mais la proposition qui fait couler le plus d'encre est cette demande de sanctions pour les responsables du désastre : «Nous devons, tranche Nicolas Sarkozy, nous interroger sur nos responsabilités (…) Aujourd'hui, des millions de gens à travers le monde ont peur pour leurs économies, pour leur appartement, pour l'épargne qu'ils ont mise dans les banques. Notre devoir est de leur apporter des réponses claires (…) Qui est responsable du désastre ? Que ceux qui sont responsables en soient sanctionnés et rendent des comptes». Ce à quoi, le toujours premier secrétaire du PS, François Hollande, répond non sans une forme de causticité : «Quand les caisses sont vides, il ne reste plus que les mots qui peuvent être utilisés. De ce point de vue-là, Nicolas Sarkozy a donné l'exemple: comme il n'a plus d'argent il se paie de mots». C'est dans ce contexte qu'intervient le discours de Toulon. Nicolas Sarkozy est acculé à résoudre cette équation : Comment gérer les conséquences d'une grave crise mondiale et continuer à prôner des réformes coûteuses ? Comment déconnecter ce tourbillon mondial des craintes domestiques ? Comment surtout prononcer le mot «rigueur» qu'il interdit strictement à son Premier ministre François Fillon et sa ministre de l'Economie Christine Lagarde. L'entourage de Nicolas Sarkozy tente d'être rassurant. Un ministre anonyme confie à l'Agence France Presse : «Le président dira clairement aux Français qu'il y a des difficultés mais qu'il y a aussi un capitaine qui tient la barre, capable de transposer au plan national le crédit personnel gagné au plan international». Même si aucune annonce de grande ampleur n'est attendue, Nicolas Sarkozy devra composer avec l'humeur massacrante des Français qui voient leur pourvoir d'achat se tasser dangereusement. Il devra trouver les ressources nécessaires pour les convaincre de continuer à croire en sa capacité de réformer.