Après l'immigration choisie et l'immigration circulaire, le répertoire linguistique qui fleurit incessamment sur le thème de la migration vient de s'enrichir d'un nouveau dispositif : la directive « Retours ». L'Europe vient en effet, par un vote au Parlement, de s'offrir un cadre pour chasser ses immigrés clandestins. Cette directive permet aux Etats européens des autorisations licencieuses comme la rétention de 18 mois pour des étrangers qui sont en situation irrégulière. Comme les expulsions de mineurs non accompagnés. Comme la privation d'accès au territoire européen pendant cinq ans des étrangers expulsés. En faisant, le Parlement européen vient de donner son onction à des politiques de l'immigration porteuses des germes du refus de l'autre, ce qui n'est jamais sans risque. Elle vient de lever toutes les inhibitions et de décomplexer toutes les audaces. L'Europe serait-elle devenue la lessiveuse des idées fétides : Pia Kjaersgraad au Danemak, Geert Wilders en Hollande, Gianfranco Fini en Italie, le Vlaams Belang en Belgique et le Front national en France ont dû sabler le champagne hier. Cette Europe qu'ils haïssent plus que tout vient de blanchir leurs arguments et convertir leurs thèses en propositions honorables. En adoptant cette directive, les digues humanistes du Parlement européen viennent de céder sous la pression des droites conservatrices européennes. L'esprit de la construction européenne y perd une giclée de son âme. Cette institution née sur les décombres des guerres et des belligérances s'est construite sur l'idée de l'union et du rassemblement. Elle a été pour l'essentiel de son histoire un lieu de défense des droits de l'Homme et des Libertés. Elle était pour cela citée en exemple et constituait le repère pour tous ceux qui se sentaient lésés dans leurs droits. Le texte qui vient d'être adopté, parce que empreint d'un esprit de peur et d'inquiétude, anéantit ce qui singularisait l'Europe avec sa dimension refuge. La philosophie des miradors et le raisonnement des tours de contrôle viennent de l'enfermer dans la pensée citadelle qui, loin de la sanctuariser, la rabaisse au niveau des états qui mènent ce type de politique honnie. Ils le font dans notre indifférence pour la simple raison qu'ils n'ont jamais été un modèle pour le monde. L'Europe si. La peur de l'immigré a moins de ressorts économiques. Il a en revanche de puissants ressorts identitaires. L'Europe, qui jusque là, hissait, sur le plan moral, ses peuples vers le haut vient, poussée, par le populisme, de trébucher pour se trouver à plat ventre. Son texte exhale la peur et prépare le bruit nocturne des brodequins. Obsédé par les flux, son texte n'a pas un mot pour les politiques d'intégration de ses stocks. Hasard du calendrier, c'est le même jour que la majorité sénatoriale française a refusé d'accorder un droit de vote aux étrangers pour les élections locales dans le débat sur le projet de loi de réforme des institutions. Et c'est une certaine Rachida Dati, fille d'immigré, qui montera sur la tribune pour justifier ce refus avec de petites et étroites considérations politiciennes. N'est-ce pas cocasse !