Sur la présence de Bachar Al Assad au sommet de l'UPM, Paris a beaucoup communiqué, souvent avec une tonalité très polémique, alors que Damas est restée muette sur le sujet. Lors des dernières questions au gouvernement, cela sentait la sortie orchestrée et la mise en scène à mille lieues. Le député Renaud Muselier, une personnalité politique colorée de Marseille, aux insatiables et impatients appétits de ministre, prend la parole pour poser sa question. Avec son accent chantant du sud capable d'inonder de sa musique une maison de pompes funèbres, il demanda au ministre des Affaires étrangères des éclaircissements sur le projet de l'Union pour la Méditerranée que le président Nicolas Sarkozy s'apprête à lancer le 13 juillet prochain. Renaud Muselier qui, dans une autre vie fut secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères auprès du ministre en titre de l'époque Dominique de Villepin, prend tout son temps pour dire tout le bien qu'il pensait de la démarche présidentielle avec un ton enjoué. Il avait marqué son époque d'une pensée profonde en disant de Dominique de Villepin : «Il fait tout, moi je fais le reste». Bernard Kouchner prend la parole tel un grand acteur de théâtre se saisissant de sa réplique pour expliquer l'importance stratégique d'un tel projet. Puis liquidant avec hâte les généralités introductives, il livra le morceau de choix qui allait capter les titres et la lumières. Durant ce sommet, Bernard Kouchner annonce : «Le président syrien sera là à côté, à la même table, que le président israélien», citant la fonction de Shimon Peres tout en pensant à Ehud Olmert. «Nous nous réjouissons que les Syriens parlent aux Israéliens. Ce jour-là (le 13 juillet) il sera possible de le faire, s'ils le souhaitent». Dans l'esprit de Bernard Kouchner, annoncer de manière aussi spectaculaire la proximité de deux hommes, Bachar Al Assad et Ehud Olmert, dont les pays se trouvent au bord de l'affrontement armé depuis des années et qui ne se parlent depuis peu que par Turcs interposés, doit justifier largement que le président syrien soit invité à Paris et désarmer toutes les critiques à l'encontre d'une telle invitation. Depuis le début de cette polémique, Bernard Kouchner, lui-même, a failli entonner la fable d'indignation qu'il avait jouée lors de la visite de Mouamar Kadhafi à Paris. Commentant à chaud l'invitation lancée au président syrien, il avait laissé pointer son manque d'enthousiasme : «Moi, ça ne m'amuse pas spécialement (…) Mais je pense que si on fait l'Union pour la Méditerranée et si les Israéliens parlent avec les Syriens en ce moment, ne faisons pas trop les malins». Bernard Kouchner a des raisons personnelles de vouloir à la fois prendre cette question par des pincettes et en même temps s'accaparer ses annonces cruciales comme l'annonce d'une proximité programmée à Paris entre le Premier ministre israélien et le président syrien. Malgré les louanges que Nicolas Sarkozy ne cesse de distribuer à toute occasion à son ministre des Affaires étrangères, ce sont toujours ses proches conseillers Claude Guéant et Jean-David Levitte qui sont dépêchés à Damas pour traiter et négocier les dossiers sérieux avec les Syriens. D'ailleurs au lendemain de la sortie parlementaire de Bernard Kouchner, le secrétaire de l'Elysée Claude Guéant s'est cru obliger de recadrer les effluves de ce dossier : «Je voudrais dissiper un malentendu : Bachar Al-Assad n'est absolument pas un invité d'honneur. Il est un invité parmi 45 ou 50 autres (…) Les 12 et 13 il sera là … Je ne sais pas s'il sera là le 14 Juillet». Sur la présence de Bachar Al Assad au sommet de l'UPM, Paris a beaucoup communiqué, souvent avec une tonalité très polémique, alors que Damas est restée muette sur le sujet. Au jour d'aujourd'hui, il est impossible de trouver une prise de position syrienne sur les idées qui circulent autour de la grande photo de réconciliation envisagée entre Bachar Al Assad et Ehud Olmert. Il est vrai que, vu de Damas, la suite de cet épisode dépendra essentiellement des progrès que leurs négociateurs réalisent en Turquie. Seule source d'information et d'appréciation sur le sujet est le ministre turc des Affaires étrangères Ali Babacan qui a affirmé au Luxembourg que les deux parties «ont quitté ces négociations extrêmement satisfaites de leur tournure».