Aujourd'hui, Mouamar Kadhafi s'oppose frontalement au projet diplomatique cardinal de l'ère Sarkozy, l'Union pour la Méditerranée (UPM). Il l'a fait avec des mots d'une violence inouïe et d'une rupture sans appel. Jusqu'au bout, le Raïs libyen Mouamar Kadhafi aura joué, avec un bonheur jouissif, les hommes porte-poisse de Nicolas Sarkozy. Sa récente visite à Paris et le provoquant faste républicain qui l'avait accompagné avait sonné le glas à une descente aux enfers du président français dans les sondages et à une indicible perte de crédibilité dans les opinions. Jusqu'au jour d'aujourd'hui, comme les effets secondaires d'une maladie chronique, Nicolas Sarkozy traîne encore les traces d'un tel passage et les polémiques vénéneuses qui l'avaient couvé. Aujourd'hui, Mouamar Kadhafi se rappelle au bon souvenir du locataire de l'Elysée non pas ne reniant la signature d'un gigantesque contrat, ni en remettant en cause une quelconque influence de la France dans son voisinage comme il avait l'habitude de le faire, mais en s'opposant frontalement au projet diplomatique cardinal de l'ère Sarkozy, l'Union pour la Méditerranée (UPM). Le colonel Mouamar Kadhafi l'a fait avec des mots d'une violence inouïe et d'une rupture sans appel : «Si l'Europe veut coopérer avec nous, qu'elle le fasse avec la Ligue arabe ou l'Union africaine (...) nous n'acceptons pas que l'Europe traite avec un seul groupe de pays (…) Nous ne sommes ni des affamés ni des chiens pour qu'ils nous jettent des os (..) Ils nous prennent pour des idiots. Nous n'appartenons pas à Bruxelles». L'intérêt politique d'une telle charge n'est pas uniquement son langage cru, le colonel Mouamar Kadhafi avait habitué la galerie à violer allégrement tous les codes et usages diplomatiques, mais qu'elle soit prononcée devant un prestigieux parterre composé des présidents syrien Bachar al-Assad, mauritanien Sidi Ould Cheikh Abdallahi, tunisien Zine El Abidine Ben Ali, algérien Abdelaziz Bouteflika, et le Premier ministre marocain Abbas El Fassi. Les observateurs auront remarqué qu'aucune des personnalités invitées à ce mini sommet n'avait fait de commentaire public pour renseigner sur la position de son pays face à ses déclarations incendiaires. Il s'agit, en tout cas, du premier pays du sud de la Méditerranée qui a exprimé ouvertement son hostilité à ce projet. Cette sortie avait été procédée par une demande de «clarifications» formulée à Alger sur la présence et la participation des Israéliens au sommet de Paris destiné à lancer les fondations de l'UPM. Nicolas Sarkozy avait tenté depuis Rome de minimiser l'ampleur d'un tel rejet en mettant sa mécanique hostile sur le compte du tempérament original, folklorique et souvent extrême du dirigeant libyen : «Le président Kadhafi est le président Kadhafi, c'est-à-dire une position originale qui n'appartient qu'à lui, qu'il convient de respecter et dont il ne faut pas faire une règle de conduite». Le président français minimise aussi la portée des absents : «S'il devait en manquer un ou deux, eh bien nous verrons… mais ça n'empêchera pas le train d'avancer». Cet argumentaire enthousiaste ne doit pas masquer les réelles difficultés que rencontre le projet de l'Union pour la Méditerranée. Après avoir vu ses ambitions drastiquement réduites par l'intransigeante chancelière allemande Angela Merkel, le colonel Mouamar Kadhafi fait subir un autre camouflet à ce projet en dynamitant ses fondations économiques au point de faire dire à quelques éditorialistes que la position de la Libye indique clairement que l'économique n'a pas su résister à l'idéologique dans une affaire où le volontarisme est le dynamo principal. Nicolas Sarkozy pourra toujours arguer que le colonel Mouamar Kadhafi a toujours été une voix solitaire dans le monde méditerranéen, dépourvue de cette capacité d'entraînement et de mobilisation que peuvent avoir d'autres pays comme le Maroc, l'Algérie, la Syrie ou l'Egypte. D'ailleurs aussi incongru que cela puisse paraitre, la réussite du sommet de Paris est en train de dépendre d'hommes que la France et Nicolas Sarkozy boudent depuis des mois comme le président syrien Bachar El Assad dont la présence peut servir d'antidote à de nombreuses critiques et contestations. Sur ce point , Nicolas Sarkozy maintient un optimisme à toute épreuve : «Je pense que sa présence est vraisemblable».