Le Plan Maroc Vert table sur la création d'un million d'entreprises agricoles et s'attend à un PIB agricole supplémentaire de 70 à 100 milliards DH. Tout en diagnostiquant le secteur, il oriente vers des pistes de relance. L'agriculture marocaine souffre d'un déficit de croissance chronique. Elle se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins, dans un contexte stratégique en profonde mutation. D'un côté, des potentiels de développement proprement colossaux sur les marchés nationaux et internationaux. De l'autre, un risque d'accélération marqué de la pauvreté en milieu rural. C'est en ces termes, clairs et nets, que la stratégie de relance de l'agriculture marocaine diagnostique un domaine qui a besoin d'un nouveau souffle. Baptisée «Plan Maroc Vert», cette nouvelle stratégie a été financée par le Fonds Hassan II pour le développement économique et social et présentée à SM le Roi Mohammed VI, à la veille de l'ouverture du Salon international de l'agriculture du Maroc (SIAM) qui se tient à Meknès. Ce secteur représente 15 à 20 % du PIB national. L'agriculture est une source d'emploi majeure avec 3 à 4 millions de ruraux travaillant dans le secteur agricole et 60 à 100.000 emplois dans l'agroalimentaire. Ce domaine a une contribution décisive aux grands équilibres macroéconomiques et à la balance commerciale du pays. Aujourd'hui, la balance alimentaire est largement négative, en excluant la pêche. Sur le terrain, 70% des exploitants marocains ont une surface inférieure à 2,1 hectares, alors qu'en Europe 80% des exploitants disposant chacun de plus de 20 hectares. Cet important morcellement est le fruit des régimes du foncier et des successions. On relève aussi le risque d'accélération lié à une pyramide d'âges défavorable puisque la moyenne d'âge des agriculteurs est de 55 ans. À cela, il faut ajouter que 5 bassins sur 8 sont en situation de déficit hydrique à court et moyen termes. En fait, plus de 2,2 milliards de dirhams de chiffre d'affaires végétal sont immédiatement «à risque» sur les bassins en situation de surexploitation des nappes phréatiques. Dans cette étude stratégique, dont les grandes linges ont été annoncées par Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture et de la Pêche maritime, mardi 22 avril, à la cité ismaïlienne, on souligne que «la problématique de l'eau est un défi majeur pour l'agriculture marocaine de demain». En effet, 80 à 90% de la consommation nationale en eau reste liée à l'agriculture en plus d'une concurrence croissante entre usages agricoles et résidentiels et industriels notamment dans le tourisme. Concrètement, le Plan Maroc Vert repose sur la reproduction de success stories à l'international. «Pour relancer une dynamique de croissance du secteur, nous pouvons construire sur les réussites existantes, en dupliquant les véritables leviers de réussite tout en les adaptant, au niveau de l'ensemble des filières, et sur l'intégralité du territoire», précise-t-on dans ce document. D'abord, il est question de l'organisation des producteurs et leur regroupement autour d'un «agrégateur» opérateur performant et structuré, à même d'organiser la filière, avec une forte empreinte territoriale. En fait, le modèle de l'agrégation prôné par le «Plan Maroc Vert» offre une double opportunité. Pour l'agriculteur, il a le libre choix de travailler avec l'un ou l'autre des agrégateurs présents sur un périmètre donné, ou même de ne pas choisir ce modèle. Chose qui permet une multiplication des opportunités de développement. Pour l'agrégateur, l'agrégation permet de dépasser le problème du foncier. Le périmètre d'agrégation sera constitué d'une ferme qu'il exploite en propre et d'un périmètre exploité par leurs propriétaires, dont il agrège la production. Ce nouveau plan s'articule autour de deux piliers. L'objectif du pilier I est de développer une agriculture performante, adaptée aux règles du marché, grâce à une nouvelle vague d'investissements privés, organisés autour de nouveaux modèles d'agrégation équitables. Par contre, l'objectif du pilier II est de développer une approche orientée vers la lutte contre la pauvreté, en augmentant significativement le revenu agricole des exploitants les plus fragiles, notamment dans les zones périphériques (par exemple en bour défavorable). En termes de chiffres, le pilier I a pour but de générer un maximum d'investissement privé sur ces filières avec 10 milliards de dirhams par an pour les relancer, autour de nouveaux modèles d'agrégation, portés par des investisseurs à forte capacité managériale. Ces modèles d'agrégation seront équitables, par le biais d'une double contractualisation, entre l'Etat et l'agrégateur d'une part, et entre l'agrégateur et l'exploitant agrégé d'autre part, selon les rédacteurs de cette étude. Pour le solidaire pilier II, il s'agit de la mise en œuvre de projets sociaux autour de trois programmes (Voir encadré). Pour que ces projets puissent voir le jour, ce pilier prévoit un volet financement innovant. Il s'agit ainsi de traiter les bailleurs des fonds sociaux comme des investisseurs à part entière, au moyen d'une «Offre sociale Maroc». Pour cueillir les fruits de ce plan, il faut attendre 10 à 15 ans. «À ce stade, le chiffrage exact des impacts à attendre du Plan Maroc Vert est difficile. Néanmoins, un chiffrage préliminaire permet de dire que la mise en œuvre de ce plan aura des impacts colossaux en termes de croissance économique, d'emplois, des exports et de lutte contre la pauvreté dans toutes les régions», a tenu à préciser M. Akhannouch lors de la présentation de cette nouvelle stratégie. Ainsi, on table sur la création d'un million d'entreprises agricoles à travers l'exécution du pilier I et II. L'impact sur le PIB est évalué à un PIB agricole supplémentaire de 70 à 100 milliards de dirhams, soit le double du programme Emergence. Ce plan vise également à déclencher une nouvelle vague d'investissement au niveau national avec un objectif de 10 milliards de dirhams annuellement, autour de 1.000 à 1.500 projets sur l'ensemble du territoire. Pour la mise en place de cette stratégie, le ministre de l'Agriculture et de la Pêche maritime a mis l'accent sur le défi de l'exécution. En plus donc de la création d'une Agence de développement agricole (ADA), il s'agit surtout de réformer le ministère de tutelle. Le département d'Aziz Akhannouch compte solliciter la contribution du budget de l'Etat à travers la mobilisation de fonds supplémentaires sur 10 ans ainsi que du Fonds Hassan II, comme «moteur national». Devant le Souverain et un large parterre de ministres, hauts fonctionnaires d'Etats, opérateurs économiques, diplomates, banquiers…M. Akhannouch a choisi de finir son allocution en invitant tous les intervenants à «cultiver l'agriculture marocaine». Les trois axes du pilier solidaire Solidaire, le pilier II de la stratégie de réforme de l'agriculture marocaine est axé sur trois projets sociaux : 1) Projets de reconversion : L'objectif est de faire passer les exploitants fragiles de la céréaliculture à des productions à plus forte valeur ajoutée et moins sensibles à la volatilité de la pluie: olivier, amandier, caroubier, cactus, par exemple. Ces projets, sur le modèle du programme du MCC déjà en cours, sont relativement difficiles à mettre en œuvre sur le terrain, du fait notamment de la forte période de latence (4-6 ans) entre la période de plantation et la première récolte. Néanmoins, leur impact est colossal, l'objectif général étant de réussir MCC x 4. 2) Projets de diversification : L'objectif est de créer des revenus complémentaires pour les exploitants fragiles autour du développement accéléré des produits du terroir. 3) Projets d'intensification : L'objectif de mieux faire ce qui est fait aujourd'hui, non seulement sur les filières animales mais aussi sur les filières végétales. Et ce, en encadrant les exploitants pour leur permettre de disposer des meilleures techniques et d'améliorer drastiquement leur productivité et la valorisation de leur production.