Sénégal : Vers la création d'une nouvelle autorité de régulation des médias et des réseaux sociaux    Augmentation des prix des médicaments au Maroc : Le chaos de l'importation au détriment des citoyens    La France se mobilise pour la sauvegarde du musée du Louvre    NBA Africa and UM6P team up to revolutionize youth basketball in Morocco    CAN Maroc 25: Le Zellige, identité visuelle de l'événement    Le Portugais Rui Almeida nouvel entraîneur du Difaa d'El Jadida    L'Humeur : Le leader de Hoba égratigne l'AS FAR et le groupe en fait les frais    Tennis / Finale .Open d'Australie 25 (h): le numéro 1 mondial contre le numéro 2 ce dimanche matin    Ifrane : Plus de 4.000 familles bénéficient d'une opération de lutte contre la vague de froid    Omra : Le vaccin anti-méningite est disponible en pharmacie    Trois individus interpellés à Meknès et à Benslimane pour trafic de drogue    Santé : la mobilisation en pause en attendant l'application de l'accord du 23 juillet    Agence des zones oasiennes: 143 milliards de dirhams mobilisés entre 2012 et 2023    Le Zellige marocain : une icône d'authenticité et de luxe brille dans la présentation du logo de la CAN 2025    Le Nouvel An chinois, célébré sous le signe de l'amitié sino-marocaine à Rabat    Coupe du Monde de la Pâtisserie: l'équipe marocaine retient son souffle [Vidéo]    Le logo officiel de la CAN 2025 dévoilé par la CAF : un hommage au patrimoine marocain    Islamabad annonce le rapatriement de 22 Pakistanais rescapés d'un naufrage au Maroc    L'Union européenne en quête d'un nouveau partenariat stratégique avec le Maroc    Prévisions météorologiques pour le dimanche 26 janvier 2025    Diaspo #373 : Mina Gautier, la culture du Maroc et la créativité française dans un flacon de parfum    Burkina : Réunion de hauts fonctionnaires de l'AES pour l'examen des formalités de sortie de la CEDEAO    La France se mobilise pour la sauvegarde du musée du Louvre    Le Maroc face aux Etats-Unis de Trump    Alger intensifie sa riposte contre Paris : un projet de loi pour supprimer la version française du Bulletin officiel examiné    Nouvel An lunaire: La Chine s'attend à 1,85 million de voyages par jour    S.A.R la Princesse Lalla Hasnaa préside à Rabat le dîner de Gala diplomatique annuel de bienfaisance    Est de la RDC: les Casques bleus appuient l'armée congolaise contre le « M23 »    Les collectivités territoriales annoncent une grève pour dénoncer le blocage du dialogue    Innovation numérique : le CESE lance «Rou'ya»    Comment la diplomatie algérienne a-t-elle reçu une gifle sévère au Parlement européen ? L'isolement s'intensifie    Le roi Mohammed VI nomme les nouveaux membres de la CNDP    Le Canadien Genius Metals élargit son développement au Maroc et au Québec grâce à un financement de 947 000 dollars    Cobco, une filiale CNGR-Al Mada, inaugure ses premières lignes de production de matériaux pour batteries au Maroc    Tunnel sous-marin Maroc-Espagne : une étude de faisabilité allemande cherche à rendre le projet possible    Coupe du Monde 2030 : le Maroc et le Portugal unissent leurs forces judiciaires    La bissara, soupe tendance en France en 2025 ?    En 2001, le film de guerre de Ridley Scott rendu possible grâce au Roi Mohammed VI    AES. Le passeport commun en circulation fin janvier    Le musée YSL Marrakech expose la collection de Hamish Bowles    Rima Hassan au cœur de la tempête : accusations de loyauté envers l'Algérie et perte de crédibilité sur la scène politique française    Environnement : le milliardaire Michael Bloomberg paiera la facture américaine à l'ONU Climat si Trump arrête de payer    Déclaration d'intention conjointe entre le Maroc et le Portugal pour renforcer la justice dans le cadre de la Coupe du Monde 2030    Sa Majesté le Roi nomme les nouveaux membres de la CNDP    Le Nouvel An chinois : traditions et rituels intemporels    Rencontre : "Nous sommes pris par une forme de désir que la colonisation a mis en nous"    Le gouvernement français donne un tour de vis supplémentaire à sa politique migratoire    Intenses activités de Karim Zidane au Forum économique mondial de Davos    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Denise Masson, ou le néon ne vaut pas la chandelle (1)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 09 - 01 - 2004

Denise Masson est connue par sa traduction-référence du Coran, publiée dans la prestigieuse collection “La Pléiade“ des éditions Gallimard. En plus de sa parfaite maîtrise de l'arabe, Denise Masson, qui a vécu pratiquement toute sa vie au Maroc, avait d'autres passions. L'écrivain Jean-Pierre Koffel nous la présente en deux fois.
Dans les années 50, les jeunes catholiques de gauche de Marrakech qui l'aimaient bien, l'appelaient Masson, tout court. Ceux qui avaient un peu plus de respect pour elle disaient mademoiselle Masson. Nul ne se serait permis Denise : l'époque n'était pas encore à ce genre de familiarités – à l'Américaine – et l'on avait en considération son âge – déjà ! – , ses indiscutables signes d'appartenance à la religion du Sauveur et de sa mère Marie, ses compétences musicales – il lui est arrivé de tenir l'orgue de l'église des Saints Martyrs au Guéliz – , son érudition, en linguistique arabe notamment . Elle-même se présentait comme mademoiselle Masson et signait D. Masson ses articles (sur l'Islam et le christianisme, essentiellement), dans Le Monde , entre autres. La “traduction” du Coran, à La Pléiade, est l'œuvre de D. Masson. Certains esprits chagrins seraient même allés jusqu'à suggérer que si les sages d'Al Azhar avaient subodoré Denise sous D., ils n'auraient pas donné aussi facilement leur aval à ce travail de 30 ans, considéré par eux comme la meilleure tentative d'interprétation en français du Livre sacré (qu'on ne traduit pas), donc comme la référence. Certains lecteurs du “Monde“ parlaient de D. Masson comme d'un homme et Denise ne devait pas s'en offusquer beaucoup, loin de là.
Denise Masson n'est pas franchement tombée dans l'oubli ; tout une action existe, notamment autour de son riad, à Marrakech, de son fonds (au Centre d'Études Arabes de l'Ambassade de France, à Rabat), de son œuvre, de son action militante originale en son temps. Mais force est de constater que, pour beaucoup de gens – les jeunes sont excusables – le nom de Denise Masson n'évoque rien du tout et certains se risquent du côté du cinéma américain d'avant-guerre. Alors faisons le point, et racontons la belle et longue histoire d'amour entre une femme et un pays, ou plutôt une ville.
Elle naît à Paris “en tout début de ce siècle ” (le 20e, bien sûr) : une certaine coquetterie lui interdit d'en dire plus, de même qu'elle ne donnait pas le chiffre exact de son grand âge, se réjouissant d'être un peu plus jeune que Françoise Fabien. Son père, Maurice Masson (une salle du musée de Lille porte son nom) était docteur en droit et ami des peintres impressionnistes, à une époque où “nul ne les appréciait”. Un découvreur, un précurseur, en sorte. Sa mère, pour “compléter l'ambiance”, jouait au piano Debussy, Fauré, Ravel. À 15 ans (à la fin de la guerre ), elle a déjà découvert Pascal, Bossuet, le phrasé musical de Bach, l'orgue et... l'Algérie, pour des vacances dans un village vinicole nommé Fondouk !
Elle arrive au Maroc en 1929 – elle doit avoir 27 ans et elle est Française, catholique et célibataire toujours, ce qu'elle restera résolument jusqu'au bout – ; c'est l'année de naissance du futur Hassan II, se plaît-elle à souligner. Et c'est dans ce “voyage touristique”, nous dit Françoise Fabien, que va “s'infléchir la trajectoire de cette fille de la grande bourgeoisie du nord de la France, accompagnant ses parents”. “Elle est infirmière diplômée, nous dit encore Françoise Fabien, mais elle ne songe nullement à quitter la France et les siens . Et pourtant, coup de cœur, coup de tête, elle décide – elle a une très forte volonté sous des dehors paisibles et doux – de vivre désormais au Maroc et de se rapprocher du monde musulman, d'en étudier la langue, d'approfondir, elle, la chrétienne convaincue, la foi islamique. Forte de ces nouvelles connaissances, elle va donner un sens profond à sa vie sans pour autant se retirer du monde.”
Elle débarque donc à Rabat en 1929, avec papa, maman, son petit harmonium, la Somme de Saint Thomas d'Aquin et “des connaissances de l'arabe se limitant à l'alphabet”. Elle travaille au dispensaire antituberculeux de Rabat , s'inscrit aux cours d'arabe dialectal, puis d'arabe classique de l'Institut des Hautes Études Marocaines (IHEM), études qu'elle juge indispensables et qui seront sanctionnées par des diplômes de haut niveau. Elle découvre des réalités sociales dans son travail de visiteuse et conçoit un programme ambitieux ; elle est nommée à la tête du dispensaire antituberculeux de Marrakech ; elle habite alors du côté de Dar Si Saïd – pas au milieu des Européens, mais à l'époque, déjà ! les Européens sont assez nombreux à habiter la médina. Ce n'est qu'en 1937 que sa mère lui offre – avec en prime une VW – la maison qui va rester la sienne jusqu'au bout : au derb Zemrane, dans le quartier globalement appelé Bab Doukkala, un riad qui porte le nom de son ancien propriétaire, riad el Hafdi, “un petit palais, au n°3 du derb Zemrane”, nous dit Françoise Fabien. Comme elle aime : porte ouverte sur un jardin fermé, toute une démarche bergsonnienne (le jeu du clos et de l'ouvert, fort en vogue ces années-là) et une approche esthétique , symbolique, de ce qu'est pour elle l'Islam ; mais, quelle merveille quand on a les clés ! Là voilà donc, pour “un demi-siècle” dans cette demeure qui porte désormais son nom, où elle va faire venir deux orgues, pour l'inonder de fugues, de chorals, de cantates ; où va naître au fil des jours et des nuits le lent travail d'appropriation d'une langue (l'arabe), puis de “transmission” du Coran en français ; où vont venir, parfois se réfugier, les nationalistes marocains, les opposants au Protectorat dont elle n'est pourtant pas l'ennemie sur tous les plans ; où va naître une œuvre, en marge de la « traduction », autobiographique, mais surtout théorique (voir bibliographie) et des articles (D. Masson, dans les rapports compliqués et délicats entre l'Occident moderne et chrétien bien sûr et le monde musulman si subtil et secret, apportait ses lumières ) ; où elle recevait ses amis, le géologue Louis Gentil, le Docteur Faraj et les siens, puis Ridwan Collins, son cher voisin islamisé, islamisant, arabisant, berbérisant, pianiste, Gilles Lafuente, berbérisant et islamisant, Françoise Fabien, l'organiste casablancaise Suzanne Guillaud, Jeanne Benoît... Surtout des nostalgiques du passé.
Elle n'échappe pas à la première épidémie de typhus de 1937 (“un seul pou y suffit”) : “dès ma convalescence, ma mère me fit transporter à l'hôtel Mamounia, au milieu des fleurs et des orangers.” En 1946, le Protectorat la charge de mettre sur pied un corps d'assistantes sociales au Maroc (entre autres, les assistantes françaises devront apprendre l'arabe, la sociologie, les institutions musulmanes); elle voit grand, veut recouvrir tout le pays d'un service qui “ pouvait favoriser l'adaptation des Marocains à une civilisation moderne.
” Et c'est pour cela que l'ambitieux projet capote. Comme son maître à penser, Lyautey, elle met tout sur le compte des bureaucrates, méprisables fonctionnaires hypocrites qui considéraient d'un très mauvais œil “ces assistantes amenées à connaître mieux qu'eux des familles marocaines, sachant suffisamment l'arabe, et, de plus, tenues au secret professionnel.” Mais le mal est fait : mademoiselle Masson a fait des disciples parmi ses maigres troupes !
• Par Jean-Pierre Koffel
Ecrivain
.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.