Selon Younès Maâmar, directeur général de l'ONE, la fragilité de la situation financière de l'Office est due, entre autres, à une structure tarifaire inappropriée et incohérente avec la structure de charges et le plan de développement de l'ONE. ALM : Quelle est la situation financière de l'ONE ? Younès Maâmar : La situation financière de l'Office en 2007, bien qu'en nette amélioration par, rapport à 2006, reste fragile. Ainsi, pour l'année 2007, l'Office National de l'Electricité (ONE), suite aux efforts entrepris dans le cadre d'un programme volontariste d'amélioration de ses performances techniques et financières, cible un compte d'exploitation équilibré. Et ce malgré un contexte énergétique international difficile et un gel des tarifs de vente de l'électricité. Comment expliquez-vous la fragilité de votre situation ? La fragilité de la situation financière s'explique par plusieurs éléments. Il s'agit particulièrement du coût du service public (PERG, réserve de sécurité…). Il y a également la hausse vertigineuse des prix des combustibles tels le charbon et le gaz naturel pour lesquels l'ONE joue de facto le rôle de «caisse de compensation». En effet, et en absence d'ajustements tarifaires, l'impact de la fluctuation des prix est pris en charge exclusivement par l'ONE. Ni les producteurs indépendants, ni les distributeurs publics ou privés n'y contribuent. On explique aussi cette fragilité par une structure tarifaire inappropriée et incohérente avec la structure de charges et le plan de développement de l'ONE. À cela, il faut ajouter les arriérés notamment des ex-Régies (RAD et RDE) ainsi que le poids des charges financières induites par un lourd programme d'investissement qui génère, du fait de l'insuffisance des ressources propres, un fort endettement. Que comptez-vous faire alors ? Pour faire face à cette situation, l'Office a élaboré et fait valider par son Conseil d'administration un programme de restructuration financière à même de le doter des moyens nécessaires pour mener à bien sa mission dans un contexte caractérisé par une forte demande et un environnement énergétique international difficile. Quelle est réellement la capacité de l'ONE à satisfaire les besoins des ménages et des industriels ? L'Office, dans le cadre de sa mission de service public, est appelé à assurer la sécurité d'approvisionnement en électricité du pays. Pour cela, il œuvre, en permanence, pour que l'adéquation offre demande soit assurée à tout instant. Ainsi, l'approvisionnement en électricité du pays est actuellement couvert. Néanmoins, il peut arriver qu'en période de pointe en hiver ou en été, l'offre soit insuffisante en raison d'incidents techniques fortuits. Dans ce cas, et en concertation avec les industriels, et selon un plan préétabli, il peut leur être demandé d'aménager leur charge, en réduisant la consommation principalement à travers l'effacement des installations non prioritaires. À combien s'élève le déficit de production de l'ONE ? Il y a un effet ciseau créé par l'augmentation importante de la demande en énergie électrique d'une part et le retard en investissements dans les infrastructures électriques. Ce retard a été observé dans la production (nouveaux ouvrages mais aussi maintenance) et dans la distribution. Il est de l'ordre de 1000MW en ce qui concerne la production. Ce phénomène érode la marge de réserve du système électrique. L'une des conséquences en est une sollicitation plus accentuée donc un vieillissement plus accéléré du parc existant et une mise à contribution de moyens de production de secours qui sont fort onéreuses. Comment répond-on à cette situation ? L'ONE a lancé un plan d'urgence basé sur trois actions. Primo, il y a la fiabilisation du parc existant par un programme de maintenance lourd quasi généralisé et l'amélioration de la gestion des ouvrages hydroélectriques. Secundo, il y a le lancement d'un programme d'urgence de 900MW en nouveaux moyens de production. Et enfin, il y a un plan « DSM » (Demand Side Management), c'est-à-dire de mesures permettant une gestion plus efficiente de la demande. Ce dernier axe n'est pas anecdotique. Il peut avoir des effets immédiats alors que la construction d'une centrale prend au moins 36 mois. Il peut avoir des effets tangibles sur l'amélioration de la marge de réserve : 420 MW serait la puissance écrêtée si toutes les actions étaient entreprises ! Soit l'équivalent de la centrale de Tahaddart ou encore de la demande d'une ville comme Rabat ! En chiffres, au moins 4 milliards de dirhams d'économie nette pour la collectivité sans compter la réduction de la facture pétrolière… Que faut-il pour les mettre en place ? Une implication forte et réelle des pouvoirs publics car l'ONE ne peut les mener seul. Sur ce point, je dois dire que les signaux sont aujourd'hui encourageants. Quelle est la part des énergies renouvelables dans la production totale ? Actuellement, elle avoisine les 5 % (hydraulique 4% et éolien 1%). Il faut souligner que l'hydraulique notamment est une énergie fortement tributaire des conditions climatiques qui sont aujourd'hui très défavorables en raison de la sécheresse qui sévit. Le programme 1000MW vise à réaliser 1000MW éolien à l'horizon 2012. Ce programme, notamment sa composante EnergiPro (développement du renouvelable par les industriels), est en bonne voie. La centrale à charbon de Cap Ghir à Agadir sera-t-elle déménagée à Safi? Et quel sera donc le montant d'investissement pour ce nouveau projet et les capacités de production de cette nouvelle centrale ? Nous prévoyons en effet en substitution du projet de la centrale à charbon de Cap Ghir, une centrale similaire sur un autre site en cours de validation avec les autorités concernées. L'investissement sera d'environ 20 milliards de dirhams dont 3,5 milliards de dirhams destinés à la protection de l'environnement. Sa capacité sera d'un peu plus de 1300 MW avec une mise en service en 2012.
Où en êtes-vous avec le programme d'électrification rurale global ? A fin octobre 2007, les réalisations PERG en termes de villages, toutes techniques confondues, ont concerné 31.179 villages dont 3.057 villages solaires ce qui correspond à 1.749.000 foyers (43.300 en solaire). Ces réalisations ont nécessité la construction de plus de 120.000 km de ligne et environ 17.000 postes de transformation. Le taux d'électrification rural (TER) enregistré est de l'ordre de 93% contre 18% en 1995. Depuis le lancement du PERG en 1995 et à fin octobre 2007, un montant avoisinant les 20 milliard de dirhams a été engagé. Le PERG sera achevé courant 2008 avec un TER avoisinant 98%. À la veille d'achèvement du PERG, l'ONE lance un plan ambitieux de valorisation de l'électrification rurale (VER) qui tirera avantage des infrastructures construites et de l'expérience acquise dans le cadre du PERG. Le plan VER assurera la transition du PERG vers des usages à forte valeur ajoutée dans une perspective de développement du monde rural. Quelle sera la place de l'énergie nucléaire dans la production globale ? Le nucléaire s'inscrit dans la politique de diversification des sources d'approvisionnement en énergie de l'Office. Néanmoins, cette option figure dans son plan d'équipement à long termes. À court et moyen terme, c'est le charbon et le gaz qui doivent permettre la reconstitution de la marge de réserve pour une meilleure adéquation offre/demande. Le plan d'action DSM de maîtrise de la demande prévoit la mise en œuvre de plusieurs mesures : Mesures institutionnelles Faire adopter : -GMT+1 ou horaire européen. -Généralisation de l'horaire continu et changement de l'horaire de travail. -Promouvoir la gestion déléguée de l'éclairage public à des tiers. Mesures relatives aux équipements Opération Inara Introduction des Lampes Basse Consommation: 5 millions de LBC en 2007/2008 àl'échelle nationale, avec une zone pilote au niveau du cercle Zemamra. Lancement de l'opération en juin 2007 avec un préfinancement ONE Opération Chourouk Introduction du solaire en milieu urbain et campagne de promotion. Lancement de l'opération en juin 2007 avec la mise en service de la première microcentrale ONE. Mesures industrielles Amélioration de l'efficacitéénergétique dans les zones industrielles. lancement des gammes optima (signature convention avec ANPME) et EnergiPro (voir bilan). Labellisation des équipements à haute efficacité énergétique.
Mesures tarifaires Introduction de tarif super pointe pour la clientèle industrielle. Contractualisation des échanges électriques entre distributeurs. Introduction du tarif bi horaire pour les grands consommateurs BT;