La candidature à l'Expo-2012 a suivi le même cheminement. Le dossier était, de l'avis de tous, bien ficelé, le cahier des charges moins contraignant que celui de la FIFA et puis Tanger n'est pas une ville champignon. Autour d'une table, des amis commentent la désignation d'une ville coréenne pour l'Expo-2012. «Il y a eu des manipulations», affirme le premier, l'air un tantinet informé, «Non, ils ne veulent pas de nous», lui rétorque un autre, «Tanger est dans l'Iliade, personne ne peut prononcer le nom de la ville élue, ils n'ont jamais choisi une ville africaine, arabe ou musulmane, Tanger répond aux trois critères à la fois». Qui c'est «ils», on ne tarde pas à le savoir, car le même cite le Coran pour finir. «Les Juifs et les Chrétiens ne t'accepteront que si tu entres dans leur foi». Il le dit un verre à la main et c'est encore plus grave. A chaque fois que l'on s'est porté candidat à une organisation quelconque, les Marocains optent pour le scepticisme comme moyen de défense. Puis, petit à petit, l'espoir prend place et la désillusion n'en est que plus grande. La candidature à l'Expo-2012 a suivi le même cheminement. Le dossier était, de l'avis de tous, bien ficelé, le cahier des charges moins contraignant que celui de la FIFA et puis Tanger n'est pas une ville champignon. Des atouts, Tingis en avait, mais surtout on pensait qu'«ils» feraient un effort, ce n'était pas du sentimentalisme, mais du bon sens politique. Cette partie de l'humanité que Tanger représentait tente l'accès à la modernité dans la douleur. L'intégration au marché mondial a disloqué les structures traditionnelles, l'assimilation des valeurs universelles a ravivé des réflexes identitaires, mais malgré tout, les Etats, les élites, de larges franges des populations sont droits dans leurs bottes dans cette marche vers la modernité. Ne méritent-ils pas un encouragement, une tape sur l'épaule ? Une politique intelligente consisterait en un appui des Occidentaux à cette démarche, dans toutes les instances. Il faut croire qu'«ils» ne sont pas intelligents, parce qu'ils rétorquent Tanger le symbole de l'ouverture et de la tolérance. Surtout qu'ils ne nous fassent pas l'injure, ou le procès en imbécillité de nous raconter qu'il s'agit d'instances indépendantes. L'Espagne post-franquiste a eu droit à une Coupe du monde, l'Expo universelle, le Championnat du monde d'athlétisme et enfin les Jeux Olympiques, le tout en dix ans. Nous connaissons tous l'état des infrastructures ibériques en 75, alors l'on sait que c'était là le coup de pouce à l'Espagne démocratique. De notre côté, il faut arrêter de la jouer «défaite honorable». L'argent a circulé ? Nous n'avions qu'à nous adapter au contexte et nous donner les moyens de réussir, cette histoire de candidature éthique a déjà servi vis-à-vis de la FIFA, mais aussi de l'OMC. Les organisations internationales ne sont pas des confréries de saints, on le sait, on fait avec ou on oublie. L'autre argument désastreux est celui qui consiste à déclarer après coup que «nous avons gagné une formidable campagne de communication». C'est faux, parce que ce n'est pas l'objectif du départ, que la mobilisation suscite des espoirs et que les désillusions successives laissent des traces qui auront un impact psychologique mais aussi politique. Soit on revendique, au nom des valeurs universelles, de notre rôle dans la sécurité du monde, de notre histoire, l'organisation d'un événement mondial comme gage de reconnaissance ou on s'abstient. Soit c'est un axe de notre diplomatie officielle ou parallèle, soit ce n'est pas la peine. Continuons nos deux chantiers, celui de la construction démocratique et du développement, nous aurions pu gagner quelques années, mais nous n'avons pas la même compréhension que l'Espagne en son temps. Continuons parce que c'est notre choix, sans rien attendre des autres, qui ne sont pas propriétaires de la démocratie ou des autres valeurs qui fondent notre pays.