La proportion et la part que prennent le mot «sexe» et le mot «Jihad» font froid dans le dos. Il y a là matière à analyses et à réflexions. Le sexe est décidément vendeur. Pour un pays qui fait dans les pudibonderies pour un oui ou pour un non, on n'en est pas encore à vendre des films pornos dans les souikas, mais tout de même. Les nombreux vendeurs et receleurs des droits d'auteur sont courageux mais pas téméraires. Surtout qu'ils ont de la morale et de la barbe. Ils peuvent vous vendre, sans scrupules, le dernier Ridley Scott mais pas un seul porno. Même pas sous le manteau. Ils ne sont pas dupes pour autant. Allez-y à Derb Ghallef, et vous trouverez, chez ces vendeurs de l'informel, espiègles et prolixes, des témoignages qui affirmeront, attesteront et confirmeront le goût des Marocains pour des chaînes satellitaires et les bouquets numériques qui diffusent du cul. L'Internet n'est pas en reste. Le Google trends, qui a très peu de chance de se tromper, ne met-il pas le Maroc, parmi les trois premiers champions du monde en quête de sexe sur le Web ? C'est dire. Heureusement qu'on n'est que trente millions d'âmes et qu'on n'est ni des Chinois ni des Indous. Autrement, va savoir où on en serait. La proportion et la part que prennent le mot «sexe» et le mot «Jihad» font froid dans le dos. Il y a là matière à analyses et à réflexions. Le Web, c'est comme la Méditerranée ; on y exerce une forme de hrig. On a là, potentiellement, affaire à une forme d'émigration clandestine. On va aux sites interdits comme d'autres échouent sur les plages cadenassées du sud de l'Espagne. Quand les uns empruntent les pateras pour affronter la houle de la grande bleue et la mort, aux autres, il suffit de surfer, avec les mêmes dissimulations, sur la grande toile en quête de sexe et de plaisir virtuel. Bref, on a le trip qu'on peut. Le sexe est tout aussi vendeur dans la presse. Et les contradictions y sont flagrantes. L'autre jour, un magazine de la place a fait la Une avec une vedette du porno marocaine… mais de l'étranger. C'est ce qui en a fait un objet étrange. Même si c'était un peu racoleur, pour moi ce fut une découverte et je suis sorti de cette lecture un peu moins bête. Ne serait-ce que parce que j'ignorais qu'une Marocaine du Rif pouvait et faisait de l'ombre aux actrices du sexe d'origine slave et roumaine. Le lendemain, un quotidien, non moins placé de la place, lui a fait le procès, clairement antisémite, d'être un instrument du complot juif. Le même quotidien fera le surlendemain, sa Une sur des affaires de viols dans une prison marocaine. Il l'agrémenta par un encart qui, mine de ne pas y toucher, était quasiment pornographique, avec détails, fellation, sodomie et tutti quanti. Et pour le même prix, le chroniqueur vedette consacrera, dans le même numéro, une colonne toute entière à un baiser entre saltimbanques qui aurait été commis sur l'estrade d'un festival. A voir l'ampleur donnée à ce baiser et surtout à sa description, on est en droit de s'interroger sur la fécondité littéraire de l'auteur ou sur ses ressorts psychologiques. Mais l'insupportable, c'est que le tout était bien emballé dans le papier kraft d'une moraline conservatrice.