La polémique sur les tests ADN continue de provoquer des dégâts pour l'ensemble de l'architecture politique dessinée par le président de la République. Fadela Amara était la dernière à sortir du rang gouvernemental pour dénoncer ces tests. La question est toujours dans les esprits: s'agissait-il d'un tourbillon mineur dans un verre d'eau, d'une crise d'urticaire idéologique aussi passagère qu'évanescente ou d'un véritable début de remise en cause des fondations de l'ouverture telle que l'a voulue et pratiquée, avec audace, Nicolas Sarkozy ? La polémique sur les tests ADN continue de provoquer des dégâts pour l'ensemble de l'architecture politique dessinée par le président de la République. Fadela Amara était la dernière à sortir du rang gouvernemental pour dénoncer ce qu'il y avait d'excessif et de politiquement connoté à imposer des tests ADN dans une société craintive et encore traumatisée par son histoire. Elle l'avait exprimé avec des mots qui sortaient de l'ordinaire politique : «L'ADN, je ne suis pas d'accord parce que je pense que l'on touche à quelque chose qui n'est pas bon pour notre pays… Je le dis aussi en tant que fille d'immigrés: y en a marre qu'on instrumentalise à chaque fois l'immigration, pour des raisons très précises. Je trouve ça dégueulasse». Devant la levée de boucliers qui s'est abattue sur elle en provenance des principales poches de résistance au sein de l'UMP, la démission de Fadela Amara se profilait à l'horizon avec certitude. C'était sans compter avec le travail de pompier auquel s'est livré le très discret chef de gouvernement Français Fillon, qui semble avoir trouvé sa véritable vocation : panser les blessures et sauver l'échafaudage de l'ouverture. Les apparences sont, donc, politiquement sauvées. Fadela Amara ne quittera pas le gouvernement sur un coup de sang. C'est elle-même qui l'affirme, nette, ferme et menaçante : «Si l'amendement (sur le test ADN) est confirmé, oui, je resterai. (...) Je n'ai jamais pensé à démissionner du gouvernement (…) Je quitterai ce gouvernement si jamais je sens que je ne suis pas capable de mener la responsabilité au bout des objectifs que je me suis fixés, à savoir, changer la situation en banlieue. Si j'ai cet échec, je lâche». L'affaire Fadela Amara et sa montée d'adrénaline sur le recours aux tests ADN par le gouvernement pour mieux contrôler le regroupement familial, continuent d'alimenter les principaux fronts d'opposition et de dénonciation de la politique gouvernementale en matière d'immigration. Hier dimanche, la salle du Zénith semblait avoir retrouvé ses couleurs militantes avec un grand meeting-concert et un rassemblement animés par des artistes et des personnalités politiques de gauche et de droite comme François Hollande, Bertrand Delanoë, François Léotard ou Bernard Henry Lévy, et d'artistes réunis pour dénoncer le recours aux tests ADN. Ce qui constitue une première dans l'ère Sarkozy Fadela Amara semble en tout cas avoir ouvert la boîte de Pandore. Les critiques fusent de partout. Dominique de Villepin a été l'un des premiers à dégainer: «Je n'emploierai certainement pas le même mot que Fadela Amara, mais je respecte profondément la position qui est la sienne sur le fond parce que je la partage (…) Nous avons la tentation dans notre pays d'instrumentaliser l'immigration. C'est une tentation qui est récurrente (…) Il faut tout faire pour en revenir à une vision plus républicaine du sujet». Dominique de Villepin a, par ailleurs, laissé à un proche, le député UMP François Goulard, le soin de porter l'estocade qui fait mal : «Etant en désaccord avec ce texte, je pense que le départ de M. Hortefeux est plus souhaitable que celui de Mme Amara». Fadela Amara est une personnalité atypique, tout en relief. De cette ancienne animatrice du mouvement «Ni putes ni soumises», Nicolas Sarkozy ne pouvait s'attendre à vivre l'ouverture politique comme un long fleuve tranquille. Ses multiples libertés avec le langage, ses nombreux usages du verbe cru en évoquant son plan des banlieues contre « la glandouille », invitant sa hiérarchie à y aller « adonf » avaient provoqué des étincelles d'admiration chez un Nicolas Sarkozy à la recherche d'un nouveau discours politique. C'était sans compter avec la sévère vigilance de l'opposition. Et c'est Ségolène Royal qui a endossé la robe de maîtresse d'école : «Un ministre de la République doit veiller à s'exprimer de façon respectueuse et en bon français». Mais venant de quelqu'un qui, inspirée par la grande muraille de Chine, avait forgé «la bravitude», la leçon est croustillante…