Au fur et à mesure qu'elle s'approche, l'échéance de l'élection présidentielle libanaise suscite des remous politiques sur fond de tensions étrangères. Toujours plongé dans le chaos, le Liban s'apprête à élire son nouveau président. Selon la Constitution, le Parlement est censé se réunir le 25 septembre prochain pour élire le successeur du président Emile Lahoud, dont le mandat expirera le 23 novembre, soit deux mois plus tard. Or, ce scrutin devrait surtout être une nouvelle bataille entre d'une part, la coalition gouvernementale du Premier ministre Fouad Siniora, soutenue par les Etats-Unis et l'Arabie saoudite et d'autre part, l'opposition conduite par le Hezbollah et le mouvement chrétien de Michel Aoun, qui, elle, bénéficie du soutien de la Syrie et de l'Iran. Sur place, les observateurs estiment que le vote semble difficile à organiser avant la fin du mandat de Lahoud sans un règlement de la crise politique qui paralyse le Liban depuis novembre 2006. Et entre analystes et politiques, les avis sont bien partagés. «Un dégel régional est nécessaire, entre la Syrie et les Saoudiens, entre l'Iran et les Saoudiens. Mais je doute qu'il y ait une chance que cela se produise rapidement», a ainsi avancé l'analyste libanais Oussama Safa. Un haut responsable politique libanais, lui, ne mâche pas ses mots : «Tout le monde attend la position qu'adopteront les Américains et les Etats influents de la région, tout ce qui se passe à l'échelon national vise seulement à passer le temps», a-t-il martelé. Quant à l'opposition libanaise, elle exige non seulement que le scrutin présidentiel soit un choix consensuel, mais réclame aussi et surtout qu'avant toute élection présidentielle se forme un gouvernement d'unité nationale au sein duquel elle disposerait d'un droit de veto. «Pas de gouvernement d'unité nationale, pas d'élection présidentielle», a ainsi prévenu cette semaine le sayyed Hachem Safieddine, haut responsable religieux du Hezbollah. «Hors de question», a rétorqué Walid Jumblatt, l'une des figures politiques libanaises les plus hostiles à la Syrie. «Je suis contre un compromis, ce serait un suicide politique pour nous», a déclaré en substance M. Jumblatt. Quant aux candidats eux mêmes, si l'on sait qu'aucun des deux camps en présence ne peut imposer le sien (candidat) à la présidence -ce qui est une difficulté supplémentaire-, on apprend aussi que le bloc gouvernemental, actuellement majoritaire au Parlement, ne serait pas en mesure de réunir le quorum nécessaire des deux tiers des députés. Au Liban, le partage confessionnel du pouvoir réserve la présidence à un chrétien de la communauté maronite. Mais celle-ci est elle-même divisée entre les candidats déclarés, parmi lesquels Michel Aoun et deux partisans du gouvernement, Boutros Harb et Nassib Lahoud. Dans la foulée, le nom du chef d'état-major, Michel Suleiman, a été avancé comme possible candidat de compromis. Mais encore faut-il amender la Constitution pour lui permettre d'entrer en fonction. Enfin, si le scrutin ne pouvait avoir lieu, le président sortant pourrait être tenté de désigner un nouveau gouvernement concurrent du cabinet Siniora. Emile Lahoud pourrait même chercher à prolonger sa présence à la tête de l'Etat. Mais là-encore, les incertitudes planent sur ses intentions. Mais à coup sûr, une telle hypothèse entraînerait le Liban dans l'inconnu, estime un haut responsable de l'opposition qui, d'ailleurs ferait tout pour s'y opposer. Le Liban n'est donc pas prêt de sortir de sa profonde crise. Un climat d'instabilité et de violence qui renvoie inlassablement aux heures sombres de la guerre civile de 1975-1990.