Ceux qui craignent pour l'arabe classique avancent en gros trois arguments. Le premier, d'ordre religieux, s'alarme de la menace qui plane sur la compréhension du Saint Coran s'il arrivait que dans trois ou quatre générations la lecture de l'arabe tombe en désuétude. Cet argument suppose qu'aujourd'hui l'accès aux préceptes de l'Islam passe par le décryptage de l'alphabet alors même que l'analphabétisme touche plus de 50% de la population et qu'avant le protectorat, il concernait une vaste majorité des Marocains. L'Union des écrivains du Maroc, section de Tanger, a organisé au cours de ce mois un débat sur l'utilisation de l'arabe dialectal dans les médias arabes. Cet intérêt pour le sujet s'inscrit dans un débat de plus en plus ample qui préoccupe différents cercles politiques et culturels du Maroc. Il s'est imposé comme un souci central depuis que la libéralisation de l'audiovisuel a fait de l'usage du dialecte un outil de travail quelle que soit la nature des programmes. La tendance n'a pas épargné l'opérateur public et, de son côté, la presse écrite est de plus en plus tentée par le recours au parler local. Malgré le succès de la vague qui a réconcilié les Marocains avec leurs radios, il n'en fallait pas plus pour que beaucoup s'émeuvent de cette situation. Ceux qui craignent pour l'arabe classique avancent en gros trois arguments. Le premier, d'ordre religieux, s'alarme de la menace qui plane sur la compréhension du Saint Coran s'il arrivait que dans trois ou quatre générations la lecture de l'arabe tombe en désuétude. Cet argument suppose qu'aujourd'hui l'accès aux préceptes de l'Islam passe par le décryptage de l'alphabet alors même que l'analphabétisme touche plus de 50% de la population et qu'avant le protectorat, il concernait une vaste majorité des Marocains. Il oublie aussi un peu vite que de nombreuses populations non arabes récitent le Coran sans rien y comprendre. Elles ne sont pas moins musulmanes. Le second argument, d'ordre nationaliste et panarabiste, rappelle que le mouvement colonial du 19ème siècle a tout fait, par le biais de la «vernaculairisation», pour dissocier les Arabes de leur langue et de leur religion afin de mieux les aliéner. Le panarabisme, comme si les pays arabes s'entendent très bien aujourd'hui, ajoute que le triomphe des dialectes rendrait l'entente et la communication difficiles entre eux. Du point de vue nationaliste et panarabiste, c'est l'objectif, que cette agression coloniale qui se poursuit vise. Enfin, le troisième argument, d'ordre linguistique, est terrorisé par la perspective de l'extinction de l'arabe qui connaîtrait ainsi le sort de l'organe inutile. Autant rassurer tout de suite les porteurs de cet argument : tout mode d'expression, comme les hommes qui l'utilisent, naît, grandit et s'il ne réussit pas à se transformer, disparaît. Autrement, l'humanité ne serait pas encore sortie du babillage des enfants. Tous ceux qui ont peur pour l'arabe devraient se pencher sur l'histoire du latin et de son évolution. Ils relèveront que jamais les pays de sa sphère ne se sont autant bien portés que depuis que chacun a laissé se développer son ou ses propres pantois. La révolution industrielle qui allait installer pour longtemps l'Occident dans la prospérité est intervenue moins d'un siècle après l'éclatement du latin. L'abandon de celui-ci n'a en rien gêné plus tard la construction de l'Union européenne ni jeté aux oubliettes l'église, notamment catholique, qui a su maintenir le latin comme langue liturgique et de référence biblique. Tout est donc dans la manière d'appréhender la «dialectisation» de nos sociétés et la codification de nos dialectes, sachant qu'ils sont inscrits dans les faits de tous les jours. Car ce n'est pas vrai : on n'est pas plus musulman quand on domine la langue arabe, et on n'est pas moins patriote quand on ne connaît que le dialecte.