Même arrivé en tête, le PJD ne pourra constituer une majorité que s'il fait imploser la présente et s'il est donc encouragé. Le seul enjeu de ces élections c'est le PJD lui-même. Les deux chaînes tentent ces jours-ci l'impossible : donner du sens à ce qui n'en a pas. La presse écrite, à part quelques rares plumes qui s'acharnent, a déserté ce terrain, par lassitude pour les uns et par opportunisme. Les cancans de la classe politique sont vendeurs, pas la politique. Sur nos deux chaînes, des dirigeants politiques s'escriment à nous intéresser aux joutes du 7 septembre, le résultat est loin d'être acquis. Les programmes électoraux, quand ils existent, ne sont qu'une liste de slogans, souvent contradictoires, comme le fait d'annoncer l'allègement des impôts, la gratuité des soins et la réduction du déficit budgétaire. Les contradictions, les dirigeants n'en ont cure, ils sont là pour faire une prestation au profit de leur électorat personnel car ils sont tous menacés dans leurs propres circonscriptions. A la question pourquoi devrions-nous aller voter, il n'y a toujours aucune réponse palpable. Il y a quelques mois, à la lumière de sondages traficotés, certains avaient tenté le no pasaran. Faire barrage aux Islamistes du PJD aurait effectivement pu être mobilisateur. Ce n'est plus le cas, parce que le clivage est superficiel et surtout parce que ceux-là mêmes qui étaient tentés par ce clivage ont fait le choix d'une digue conservatrice qui s'appelle les notables. La gauche progressiste, libérale, laïcisante, n'est plus qu'un souvenir évanescent, ou à la limite elle est mise entre parenthèse. La gauche non gouvernementale, antilibérale, n'a pas fait beaucoup mieux. L'image de ces chefs qui s'étripent pour «l'honneur» d'affronter Elyazghi est d'un ridicule absolu. Mais rien dans son discours n'en fait un rempart vis-à-vis de la très virtuelle vague verte. Justement la déferlante verte est de plus en plus hypothétique. Le système électoral limite les possibilités de raz-de-marée, et le PJD a été frappé par le syndrome de la normalisation. Les bases ont rejeté dans plusieurs villes les candidats de la direction, les ambitions personnelles aiguisent des luttes intestines et surtout les relations avec «Al Adl Wal Ihssane» sont au pire, or les sympathisants du cheikh Yassine ont voté PJD au dernier scrutin. Ajouter à cela la participation d'autres barbus et il est clair que le risque d'un séisme politique relève du fantasme. Même arrivé en tête, le PJD ne pourra constituer une majorité que s'il fait imploser la présente et s'il est donc encouragé. Le seul enjeu de ces élections c'est le PJD lui-même et le comportement de ses bases après les opérations votatives. Des ruptures s'y précisent, d'autres prennent forme et le 7 septembre au soir, il est probable que des lignes de fracture s'annoncent clairement. Le grand écart de la direction actuelle n'est pas tenable sans cassure avec une partie des bases, au discours plus agressif. Sur ce plan là, et seulement sur ce plan, le PJD actuel renvoit à l'USFP de la fin des années 70, la direction a des options que les militants prennent pour une tactique en attendant le grand soir. L'USFP a payé ce manque de clarté par une succession de divisions. Aller voter quand même pour participer à l'édification démocratique ? C'est un peu court. La démocratie ne se limite pas aux élections et pour sa construction les chantiers ne manquent pas. La défense des libertés individuelles, le combat pour un espace audiovisuel démocratisé, une école intégratrice et débarrassée des scories totémiques sont plus importants que les scores du 7 septembre.