Alors que le nombre d'Américains tués en Irak vient de dépasser le chiffre de 3500 depuis le début de l'invasion en 2003, les interrogations en provenance de Washington quant aux choix politiques de Nouri Al Maliki se multiplient. S'il y a un homme politique irakien envers lequel les éditorialistes de la presse américaine n'éprouvent aucun remord à déverser leurs critiques les plus violentes, c'est le Premier ministre irakien, Nouri Al Maliki. Depuis longtemps, cet ancien chef du parti chiite Al Dawa, né en 1950 près de Hilla, plus connu sous le prénom de Jawad lorsqu'il menait une résistance armée contre le régime de Saddam Hussein, avec l'aide des iraniens et des Syriens de l'époque, est devenu une cible favorite de tous ceux qui s'acharnent à expliquer l'impasse américaine en Irak. Sans charisme particuliers, une calvitie bien installée, une large moustache couleur locale et une démarche d'homme tronc sans relief, le Premier ministre du premier gouvernement irakien démocratiquement élu, comme aiment à le répéter avec emphase les Américains, a plus brillé par un surplace de boutiquier que par des initiatives politiques foudroyantes. Sa relation particulière et mystérieuse avec Moqtada Al Sadr, le bouillant chef de l'armée du Mahdi, ses fidélités manifestes à l'égard du régime iranien ont longtemps été mises en valeur pour s'interroger sur la réelle marge de manœuvre d'un Premier ministre sur lequel l'administration Bush avait parié toute sa fortune politique pour s'extraire du bourbier irakien. Alors que le nombre d'Américains tués en Irak vient de dépasser le chiffre de 3500 depuis l'invasion américaine en 2003, les interrogations en provenance de Washington à l'encontre des choix politiques de Nouri Al Maliki deviennent plus aigües et plus impatientes. Même si officiellement les relations sont au beau fixe, empruntes d'une confiance mutuelle et d'une solidarité sans faille, comme vient de le montrer avec un zeste d'insistance la récente visite à Bagdad du secrétaire d'Etat adjoint américain, John Negroponte, l'administration Bush, par la voie de certains de ses chefs militaires en Irak, commence à étaler quelques signes d'impatience et de dépit. La frustration est d'autant plus grande que la pression des démocrates au Congrès menacent de reprendre de plus belle après un répit arraché in extremis par le vote d'une loi de financement de la guerre en Irak sans aucune allusion à un calendrier de retrait. En fait la hiérarchie militaire américaine en Irak a fait le constat qu'une victoire militaire contre l'insurrection irakienne est impossible à envisager sans un compromis politique entre les différentes factions irakiennes, kurdes, chiites et sunnites. L'administration Bush avait alors exigé du gouvernement Nouri Al Maliki de préparer les conditions d'un tel compromis par l'adoption de plusieurs lois fondatrices d'une nouvelle période de cohabitation et de dialogue. Une loi sur le pétrole bloquée au Parlement par les Kurdes qui s'opposent aux arrangements sur le partage des revenus de l'or noir irakien, une autre dite de «réconciliation» proposée par l'ancien ambassadeur américain en Irak Zalmay Khalilzad, avec comme objectif principal de mettre fin au célèbre processus de «dé-bathification» mené par l'ancien protégé du Pentagone Ahmed Chalabi, et permettre à d'anciens membres du parti Baath de recouvrir leurs droits et de réintégrer l'appareil de l'Etat. Cette loi est sournoisement combattue par l'establishment shiite sous la houlette du Grand Ayatollah Ali Sistani. Sans parler de la mouvance sunnite qui exige une modification de la Constitution qui accorde plus de pouvoirs au futur président de la république. Malgré une forte insistance, Nouri Al Maliki n'a pas répondu favorablement à ces demandes américaines. Bien au contraire , il semble traîner les pieds et faire diversion en détournant l'attention. Son argument favori du moment est de mettre tous les malheurs de l'Irak sur le dos des pays voisins. Quand il n'attaque pas la Syrie coupable de ne pas contrôler d'avantage sa frontière, il accuse implicitement l'Arabie Saoudite d'exciter à outrance la fibre sunnite. Il avait résumé son approche en confiant à un chef militaire américain «qu'il y a deux mentalités dans la région, la conspiration et la méfiance». Mais Nouri El Maliki ne peut rester indéfiniment dans l'expectative et le surplace. L'exigence de résultat imposé par l'administration Bush sous la pression des démocrates, de plus en plus enhardis, risque de devenir insupportable au point de l'acculer à des décisions politiques douloureuses constamment retardées.