La défaite américaine qui ne fait plus aucun doute, le doublera d'une défaite morale aux conséquences multiples. C'est cela que ni démocrates ni républicains ne veulent assumer. Finis les temps des chapeaux brandis et des torses bombés. 80% des Américains pensent que leur président s'est montré «totalement incompétent dans la conduite de la guerre». Dans un pays où la règle est de soutenir les Boys tant qu'ils sont en campagne, il s'agit là d'un revirement curieux de l'opinion publique, plus sévère encore que celui qui avait imposé la fin de la guerre du Vietnam. L'invasion de l'Irak, sous des prétextes fallacieux tels que les armes de destruction massive ou les liens avec Al-Qaïda, tourne au fiasco absolu. Le chaos, les dizaines de milliers de morts, la menace d'instabilité régionale sont les seuls résultats tangibles. De démocratie, il n'y en a point. Les démocrates, portés par le nouvel état d'esprit de l'opinion, veulent imposer à Bush d'organiser lui même la sortie et l'aveu de débâcle avant de quitter la Maison-Blanche, ce que l'employé des pétroliers et néanmoins chef des armées U.S refuse d'envisager. L'échec irakien occulte un autre échec plus cuisant, celui de l'Afghanistan Depuis 6 ans qu'ils occupent cette contrée, les Américains n'ont pas défait les Taliban, ni arrêté Ben Laden. La superpuissance mondiale est impuissante devant des bandes d'illettrés sous-armés. Le contrôle du pétrole irakien, très relatif actuellement, est à ce prix là trop cher. L'empire US peut-il sortir du bourbier comme si de rien n'était ? Un sérieux doute est permis. Il est évident que le pouvoir en place, subtile représentation des factions, mais illégitime aux yeux de la majorité, est incapable de rebâtir l'Etat et encore moins d'assurer l'unité de la nation. Le départ de l'occupant ne fera qu'attiser la guerre civile et les visées séparatistes, approfondissant la crise et donnant un visage plus sanglant à la tragédie si cela est encore possible. La défaite américaine qui ne fait plus aucun doute, le doublera d'une défaite morale aux conséquences multiples. C'est cela que ni démocrates ni républicains ne veulent assumer. On a pris l'habitude de louer le pragmatisme américain qui permettrait de tourner la page rapidement. «La guerre du Vietnam ? Ils en ont fait 4 films et sont passés à autre chose» entendait-on dire. Ce n'est que partiellement vrai. Si l'empire quitte l'Irak vaincu et laisse le chaos derrière, il met en péril tous ses intérêts dans la région, mais surtout devra réviser ses ambitions de siècle américain. Sa stratégie belliqueuse face à la Syrie et l'Iran en sera fortement entamée et son leadership chahuté. C'est une donne stratégique avec laquelle il faudra compter. Tout cela, alors même que la menace terroriste est omniprésente. Parce qu'ils méprisent l'histoire, ne reconnaissent aucune influence aux civilisations, les décideurs américains ont pensé tout pouvoir régler par la force. Les souffrances du peuple irakien auront servi au moins à démontrer l'imbécillité de ce choix face à des situations complexes. Les enfants de Baghdad protègent sûrement ceux de Damas ou de Téhéran par leur martyre quotidien. Bush ou son successeur n'ont plus le choix qu'entre un enlisement coûteux en dollars, en vies américaines (les seules qui vaillent chez les cow-boys), ou un retrait catastrophique sur le plan diplomatique. L'unipolarisme qu'on nous annonçait éternel , pourrait alors être sérieusement remis en cause. La versatilité de l'opinion publique américaine, elle, n'est pas faite pour surprendre. On le sait depuis toujours, les cercueils des marines font plus d'effet que tous les discours. La guerre d'Irak est enfin devenue impopulaire, après des dégâts incommensurables, que le principal responsable, Bush, paie la facture ne serait que justice.