Sadiqa Aïssa Abu Syryeh est une survivante de la Nakba palestinienne. Agée de 91 ans, elle a fui Jaffa au printemps 1948. Aujourd'hui, elle vit dans un camp de réfugiés dans la région de Naplouse. ALM l'a rencontrée. ALM : Pourquoi êtes-vous partie de Jaffa ? Sadiqa Aïssa Abu Syryeh : A cette époque à Jaffa, un groupe de Palestiniens commençait à s'organiser pour résister à l'occupation britannique. L'armée anglaise faisait des descentes régulières dans notre ville. Aidés par des collaborateurs palestiniens, les militaires britanniques arrêtaient ou exécutaient tous ceux qu'ils soupçonnaient d'être des activistes. La résistance s'est intensifiée et chacun participait d'une manière ou d'une autre : nous devions nous défendre. Mon mari s'occupait d'acheter les armes et on se relayait pour monter la garde. Mais un jour, les Anglais ont imposé un siège sur Jaffa. Ils ont fermé les deux ponts qui permettaient l'approvisionnement de la ville. Les prix ont grimpé et les magasins se sont rapidement vidés. Au bout d'un mois de siège, nous n'avions plus rien à manger. Les résistants nous ont dit que ceux qui pouvaient devaient s'échapper. Comment s'est déroulé votre voyage jusqu' à Naplouse ? Lorsque nous avons décidé de partir, nous avons beaucoup réfléchi, car à la sortie de la ville, la Haganah (ndlr : groupe paramilitaire juif) nous persécutait. Nous sommes partis avec le premier groupe. Nous avons été chanceux, car les suivants se sont fait arrêtés et souvent exécutés. Je suis partie en direction de Qalquilia avec mon mari, mes neuf enfants et quelques oncles et tantes. Sur le chemin, mes deux filles de trois ans sont mortes. Nous sommes arrivés à Qalquilia sans rien. Un mois après, ils nous ont rattrapés. Ils ont tiré de tous les côtés. Je ne sais pas si c'était un groupe juif ou l'armée anglaise, mais j'ai reçu une balle dans l'épaule. J'ai pris mes enfants et j'ai couru me réfugier. Nous nous sommes échappés vers Naplouse où nous avons vécu quatre ans dans une grotte. Puis on nous a de nouveau attaqués. Les Palestiniens de la ville ont fini par nous aider ainsi que les gens du camp de L'Ein. Etant donné notre nombre important, le roi Hussein de Jordanie nous a fourni de petits terrains de sept mètres sur quatorze, avec l'aide de l'UNRWA (ndlr : United Nations Reliefs and Works Agency). Parmi mes neuf enfants, seuls cinq d'entre eux ont survécu. Que pensez-vous de cette journée de la Nakba, c'est important pour vous le droit au retour ? Pour moi, la Nakba se vit chaque jour. Les gens ne peuvent pas comprendre. Je suis retournée visiter Jaffa en 1976, ils ont construit un immeuble à la place de ma maison. J'avais 90 dunams avec trois maisons. Meme s'ils me proposent de l'argent afin de renoncer à mon droit au retour, je n'en veux pas : je veux rentrer chez moi. - S'adressant à son petit fils - Si vous finissez par retourner vivre sur nos terres et que je suis décédée, prenez mon corps avec vous. • DNC Nadia Sweeny Camp de New Akar, Naplouse Histoire d'un drame Le mardi 15 mai, les Palestiniens célébraient le 59ème anniversaire de la Nakba. Cette journée commémore l'expulsion, en 1948, de la majorité des Palestiniens des terres formant aujourd'hui l'Etat d'Israël. Le Centre de ressources pour les droits des réfugiés palestiniens dénombre actuellement 6 millions de réfugiés de 1948, comptabilisant les descendants. La Nakba est à la base de l'épineuse question des réfugiés palestiniens et notamment de leur droit au retour, assuré par le droit international, mais refusé par l'Etat d'Israël. Sadiqa Aïssa Abu Syryeh est une survivante de la Nakba palestinienne. Agée de 91 ans, elle a fui Jaffa (ndlr: ville située dans la banlieue de Tel-Aviv) au printemps 1948. Aujourd'hui, elle vit dans le camp des réfugiés de New Askar, non loin de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie.