L'administration Bush tente d'exploiter la rencontre de Charm El Cheikh pour établir un pont d'approche avec des pays honnis par sa diplomatie comme la Syrie et l'Iran afin de les embrigader dans une stratégie de stabilisation de l'Irak. Une cruelle ironie de l'histoire a voulu que le président américain soit contraint de dégainer son veto (le deuxième au cours de ses deux mandats) contre un projet concocté par les démocrates proposant de débloquer 124 milliards de dollars pour financer la guerre contre un retrait programmé des forces américaines d'Irak, le jour même où, quatre ans après, il était descendu triomphalement sur un porte-avion pour annoncer «la fin des principales opérations de combat». Le bateau était malencontreusement orné d'une gigantesque banderole proclamant «Mission accomplie». D'acides commentaires dans la presse américaine n'ont pas manqué pour mieux souligner les profondeurs de l'échec de l'administration Bush en Irak et le désarroi présidentiel, d'opposer ces deux images symboliques : celle d'un président irréfléchi, qui prend des décisions de guerre hâtives et décrète des paix virtuelles plus vite que son ombre et celle d'un chef du clan républicain contraint d'user ses dernières cartouches pour sauver un échafaudage vacillant. Entre ces deux images, un pays, l'Irak, démantelé, en proie à une sanglante guerre confessionnelle, des morts et des réfugiés qui se comptent par millions, des pertes américaines en constante augmentation et qui ont dépassé le cap des 3300 morts. Sans parler de l'insécurité mondiale croissante. Le gotha démocrate de Washington a mené de violentes charges contre ce veto présidentiel. Nancy Pelosi, la dame de fer du Congrès, refuse d'accorder à la Maison-Blanche «le blanc seing» qu'elle réclame. Les étoiles montantes du parti démocrate, candidats potentiels à la succession de G. Bush, y sont allés de leurs commentaires assassins. Hilary Clinton, l'autre dame de la présidentielle américaine, s'enhardit publiquement : «Le président a clairement montré avec son veto qu'il est un obstacle sur la voie de la fin de la guerre permettant de ramener nos soldats à la maison». Ensuite, le très original sénateur Barack Obama : «D'un trait de plume, le président Bush a obstinément ignoré la volonté des Américains et de la majorité du Congrès, et, ce qui est plus troublant, les réalités sur le terrain en Irak». Et c'est en pleine polémique américaine sur un calendrier de retrait des forces américaines de l'Irak que se tient, ces jeudi et vendredi, en Egypte à Charm El Cheikh une conférence internationale à laquelle participeront les représentants de l'ensemble des pays voisins de l'Irak ainsi que les membres du G8, l'Union européenne et l'ONU. Cette rencontre au sommet est officiellement consacrée à la sécurité et la reconstruction en Irak. Craignant que cette rencontre régionale à laquelle participent quarante-neuf pays ne se transforme en forum exigeant l'établissement d'un calendrier de retrait américain de l'Irak, faisant efficacement écho aux exigences démocrates au Congrès, le gouvernement irakien que dirige Nouri El Maliki avait déjà fait savoir qu'il ne supportait aucune allusion à ce sujet et qu'il conditionnait sa participation à l'absence totale de toute référence à un éventuel calendrier de retrait. Cette rencontre doit se contenter de parvenir à l'élaboration «d'un Contrat international d'objectifs pour l'Irak (ICI) («The international Compact with Iraq») contenant un programme aux multiples projets économiques et sécuritaires, sans parler des recettes de bonne gouvernance politique pour booster l'économie irakienne et tenter d'améliorer les conditions de vie des populations irakiennes. L'administration Bush tente d'exploiter la rencontre de Charm El Cheikh pour établir un pont d'approche avec des pays honnis par sa diplomatie comme la Syrie et l'Iran. Et ce, dans le but de les embrigader dans une stratégie globale de stabilisation de l'Irak. Les attentes sont grandes et les curiosités aiguisées de savoir comment la secrétaire d'Etat Condoleeza Rice à qui le président Bush avait conseillé de «dialoguer fermement» avec ces pays allait s'y prendre pour dégeler le contact avec les Iraniens après 27 ans de froid diplomatique et avec la Syrie après une rupture guerrière très menaçante. Le tout sans prononcer les mots qui fâchent : calendrier de retrait et qui s'avère être une exigence majeure de l'ensemble des pays de la région.