Ahmed n'est pas rentré hier soir comme à son accoutumée chez lui. Ce Rajaoui endurci est écrasé par la honte et n'a pas la force de défier ses voisins, qui se comptent par dizaines, y compris ceux qui l'ignorent en temps normal. Ce Rajaoui est un élément contre-nature puisqu'il réside en ancienne médina, en plein fief wydadi. Après le sifflet final du derby remporté par les rouges 2-0, Ahmed déballe, presque inconsciemment les gradins et se dirige vers des dirigeants de son équipe favorite pour rechercher une explication à cette défaite ou plutôt à sa propre déroute et quelque réconfort. Sans cesse, il ressasse à ses interlocuteurs, qui le connaissent trop bien, la même question de savoir comment regagner son domicile. Il s'imagine déjà le comité d'accueil, assez fourni, qui l'attendra au coin de la rue cul-de-sac où il habite. Le monde semblant suspendu sur sa tête, il brosse un tableau sombre et un scénario dramatique sur son dorénavant vécu. «Je passerai une semaine d'enfer dans un quartier où tout le voisinage sera ligué contre moi rien que pour m'humilier après trois défaites successives en huit mois » explique-t-il. Comme tant d'autres, Ahmed ne vit que par les victoires et cela fait bien longtemps qu'il n'a pas goutté aux délices de tourner en dérision ses voisins.