La crédibilité n'est plus liée à la qualité de l'information et à la rigueur de son traitement mais au nombre d'institutions salies. Faut-il s'acharner sur Assahifa ? L'exercice n'a aucun intérêt, non pas que la faute soit minime, mais parce qu'elle n'est que l'expression la plus flagrante de la déliquescence de ce qui fut un jour l'espoir d'une presse crédible. Bien avant Assahifa, le journal de l'USFP avait publié un article traitant tous les ministres de voleurs. Lui aussi s'en sortit à l'époque par des excuses et le renvoi du journaliste impliqué. La dérive est là depuis des années. Tout ce qui peut faire vendre est bon à prendre. La crédibilité n'est plus liée à la qualité de l'information et à la rigueur de son traitement mais au nombre d'institutions salies. Dans ce jeu de quilles imbécile, la monarchie devint rapidement le sujet favori de ces plumitifs. C'est que le Roi fait vendre. L'argument fallacieux était que le Roi dirige, donc il est comptable. L'argument est fallacieux parce que justement dans une monarchie, le Roi ne rend compte qu'à l'histoire. C'est à prendre ou à laisser et les Marocains ont pris depuis longtemps. Les dérapages se multiplient, les tribunaux ont sévi. Tout ce que le Maroc compte d'ennemis s'est saisi des «affaires» pour écorner l'image du pays, décrédibiliser les changements en cours et chanter la gloire des journalises new-look, c'est-à-dire des colporteurs de rumeurs manipulables et manipulés à souhait, qui vérifient l'information après sa publication, pas avant. Le Roi a décidé, il y a quelques années déjà, de ne poursuivre aucun journaliste. La bonne nouvelle a été annoncée en «séance plénière» à la presse par deux proches collaborateurs du Souverain. Au lieu de pousser la profession à la réflexion, car enfin une institution qui refuse la protection de la loi fait preuve d'une grande générosité, mais cette générosité n'est pas nécessairement un manque de respect. En tout cas, cette annonce dopa les athlètes de l'intox, ce qui nous renseigne sur la qualité humaine des uns et des autres. Humaine, car l'on oublie souvent que le monarque est un homme qui symbolise toute une institution. Mohammed VI, Roi du Maroc, a décidé de ne jamais poursuivre un journaliste. Il a tenu parole même face à la forfaiture d'Assahifa : ce que l'on oublie souvent, c'est que l'homme, Mohammed Ben Hassan El Alaoui, est un humain, avec des sentiments. Ce que l'on oublie, c'est qu'il a des droits comme nous tous. Depuis quelques années, il subit les attaques les plus viles sans que l'institution ne bronche. La grandeur d'âme a été bien mal récompensée. Noureddine Miftah, le directeur d'Al Ayyam, m'a expliqué que lui-même ce jour où il a compris et intégré cette dimension s'en est voulu d'avoir goûté à cette sauce-là. D'ailleurs, il est aujourd'hui l'un des plus ardents défenseurs de la charte éthique préparée par les éditeurs. Il faut absolument trouver un moyen pour stopper cette hémorragie dont la presse est la première victime. Nos ventes ont diminué de 50% et la crédibilité de la profession est très entamée. Puisque le Roi refuse d'actionner les procédures légales, il faut que la profession trouve un moyen de régulation dissuasive. Je vais encore me faire traiter de liberticide, mais j'ai la conviction que si les hommes et les femmes qui pratiquent ce métier ne réagissent pas, le journalisme, le vrai, disparaîtra de ce pays. Quant au Roi, à l'homme, il n'y a qu'une chose à faire, lui présenter nos excuses collectives publiquement. A lui, ainsi qu'à sa famille.