L'Armée de l'air éthiopienne a réussi en quelques jours à infliger de terribles revers aux milices islamistes somaliennes. De l'issue de cette bataille, dépend le sort de la Corne de l'Afrique. Les troupes éthiopiennes poursuivaient, hier, leur travail de nettoyage dans une Somalie voisine réduite depuis longtemps au diktat islamiste. Cela fait maintenant 16 ans, depuis la chute du Président Mohamed Siad Barré, que l'ancien protectorat italien s'est progressivement transformé en laboratoire à ciel ouvert des théories fondamentalistes. L'échec de l'opération américaine «Restore Hope », engagée en 1992, n'a fait que conforter les milices armées et les islamistes qui ont, depuis cette victoire, mis la Somalie en coupe réglée. C'est dire que l'intervention de l'Ethiopie, ennemi héréditaire, met brutalement fin au rêve des miliciens islamistes. Mais la bataille n'est pas totalement gagnée : «il incombe à la communauté internationale de déployer sans attendre une force de maintien de la paix pour éviter qu'un vide se crée et que reviennent les extrémistes», avertit le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi. S'ils sont souvent en tension permanente à cause des frontières mal tracées, les pays de la Corne de l'Afrique s'accordent tous sur cette urgence : éviter que la Somalie ne se transforme en terrain d'entraînement des rebelles et des milices armées. Une crainte fondée, quand on sait que le Front de libération Oromo (OLF) et le Front national de libération de l'Ogaden (ONLF), tous deux mouvements armés éthiopiens avaient trouvé refuge en Somalie. A la suite de l'Ethiopie, l'Ouganda s'est dit prêt à envoyer un bataillon, sous réserve d'un ordre de mission précis pour les troupes internationales engagées sur le terrain. Pour sa part, le Nigeria, habituellement appelé à contribution dans les missions de maintien de paix en Afrique, est d'accord sur le principe. Tous ces mouvements de troupes sont suivis avec beaucoup d'attention au Kenya voisin, un pays qui a été atrocement touché par Al Qaïda lors d'attentats simultanés en 1998 visant les représentations américaines. D'un autre côté, l'Erythrée (ancienne province éthiopienne, aujourd'hui indépendante) qui ne s'est pas encore officiellement prononcée, est soupçonnée de donner un coup de pouce à certains rebelles. «Des combattants érythréens, mais aussi de pays arabes et des rebelles musulmans éthiopiens, qui luttaient dans le camp des Tribunaux islamiques, ont été faits prisonniers durant les combats en Somalie», estime le gouvernement somalien qui tente d'imposer la loi à Mogadiscio. La crainte des observateurs est de voir les hostilités dégénérer en un conflit interconfessionnel à grande échelle. Un scénario catastrophe mais attisé par les seigneurs de guerre somaliens, lesquels savent mieux que quiconque, mobiliser les clans qui transcendent les frontières tout en maniant la religion. La présence en nombre des combattants arabes relance la thèse de la présence d'Al Qaïda dans la Corne de l'Afrique. La France qui suit la situation de près, (présence d'une importante force navale à Djibouti) souhaite un règlement impliquant les sept pays de l'Afrique de l'Est.