Pour un universitaire, on reste ébahi devant une rhétorique si populiste et si sommaire. Une droite faible, des courants du passé, et l'alignement d'une certaine presse audio-visuelle. La boucle est bouclée. «Où va le Maroc ? Les enjeux face aux échéances 2002». Jeudi soir, l'Association Alternatives a examiné l'état des lieux de la maison Maroc, dans une veillée plus pré-électorale que ramadanesque, avec le concours de la fondation Friedrich Ebert, une ONG allemande très active chez nous dans le domaine de la communication, de la presse et de la vie associative notamment politique. Le président de l'association, M. Abdelali Benamour dans son discours d'ouverture a cadré le débat. Nous rapportons avec plaisir ce qu'en dit la MAP, l'agence marocaine de presse. Dans son analyse de l'action de l'exécutif, il considère que le gouvernement de l'alternance a eu du mal à élaborer un projet de société et un programme de changement démocratique avec des objectifs clairement définis. Il considère que la raison de cette situation «réside dans l'absence de coordination entre les principaux partis de la Koutla qui appartiennent à ce gouvernement. Cette lutte, si elle continue aura à terme des conséquences néfastes sur ces partis eux-mêmes». M. Benamour jusqu'à présent analyse plutôt bien la situation. À sa manière, certes. Mais un commentaire carré avec une conviction manifeste. C'est ce qu'il croit et ce sont les idées pour lesquelles il milite. Et que défend Alternatives dans le cadre d'un enrichissement de la démocratie. Bien. Continuons. M. Benamour regrette l'absence d'alternative «d'autant, a-t-il dit, que l'opposition est composée d'une droite très faible. Ce vide, ajoute encore M. Benamour, encourage l'émergence de certains courants qui militent pour un retour aux pratiques du passé. Les agissements de ces courants se développent de plus en plus à travers les publications de sondages, sans qu'on sache leurs sources de financement. Ils sont même arrivés à aligner derrière eux une certaine presse audiovisuelle et écrite». Pour toujours, M. Benamour, "la situation est dangereuse et exige la mobilisation des forces démocratiques pour contrecarrer ces courants et soutenir l'expérience démocratique actuelle qui a pu réaliser plusieurs acquis positifs malgré les contraintes". Voilà comment des esprits supposés sains et des gens apparemment brillants versent dans la facilité. C'est la consternation. Abdelali Benamour, reprend les mêmes arguments mots par mots, miasme par miasme, que les acteurs les plus rétrogrades et les plus réactionnaires de la vie politique nationale, même de gauche. Le complot. Le financement occulte. Le retour des pratiques du passé. Et la victime expiatoire : le sondage. Pour un universitaire, on reste ébahi devant une rhétorique si populiste et si sommaire. Une droite faible, des courants du passé, et l'alignement d'une certaine presse audio visuelle. La boucle est bouclée, les représentants de la fondation Friedrich Ebert, qui ne sont certainement pas étrangers au financement de cette activité, doivent être satisfaits. À aucun moment en lisant le copieux compte- rendu de la MAP on ne remarque une once de ce qui a fait la pertinence par le passé des actions d'Alternatives. On a l'impression d'une capitulation, sans condition, en rase campagne d'une ONG d'extraction de gauche – ce qui est en fait un devoir plus intellectuel que politique - devant une classe politique paniquée par l'imminence des élections. Le docteur Benamour est à l'œuvre. Un amour fou. M. Benamour soigne généreusement, comme s'il s'acquittait d'une dette, le bilan des partants. Il minimise l'échec, si d'ailleurs échec il y a. Il atténue, il stigmatise, il condamne et finalement il s'aligne sur les standards les plus éculés et les plus faibles de la pratique politique chez nous surtout quand celle-ci exprime le désarroi, le populisme ou tout simplement la bêtise. C'est dommage. Si Alternatives veut basculer dans le champ politicien, le discours politique de M. Abdelali Benamour est recevable. Si elle veut continuer à être l'ONG experte, exigeante et sérieuse que nous avons toujours connue, elle devrait faire un «back up» urgent de ses propres valeurs. Une espèce de sauvegarde qui ne sacrifierait pas une idée noble à une conjoncture délétère.