Thème d'un débat organisé à la wilaya de Casablanca, la réforme portuaire butte toujours sur la question du respect de la concurrence. Pour les opérateurs privés, le plan proposé par le ministère avantagerait trop la SODEP. D'ici le 5 décembre prochain, le projet de réforme portuaire entrera dans sa phase pratique. En attendant, les pourparlers entre les autorités de tutelle et les opérateurs portuaires achoppent sur la garantie de la concurrence. D'où le débat organisé mercredi 11 octobre à la salle du conseil de la wilaya de Casablanca, à l'appel de Karim Ghellab. Devant une salle comble, relevée par la présence du wali et du maire de Casablanca ainsi que du président de la CGEM, le ministre a expliqué en détail sa vision de cette réforme. Celle-ci devrait mettre fin à la «confusion et à l'amalgame » autour des missions de l'Office des exploitations des ports, actuellement acteur et régulateur du marché. Sur le plan opérationnel, le projet est censé mettre fin à la «dualité de la manutention ». Autrement dit, la réforme mettra fin au «monopole de fait » de l'ODEP sur les quais et à «l'oligopole » des stevedores à bord. Pour rallier le patronat à sa thèse, le ministre s'appuie sur l'étude Drewry, en rappelant le surcoût de 30% que représente le passage portuaire à Casablanca du fait de cette dualité de la manutention. «Un conteneur 40 pieds paie actuellement 1 700 dirhams à Casablanca contre 1 400 dans les ports étrangers concurrents ». Bref, une cascade de chiffres qui étoffe l'argumentaire ministériel. Lequel insiste sur les enjeux de la réforme. L'entrée en activité du port de Tanger Med durant l'été 2007 occasionnera une migration de 30% des conteneurs traités au port de Casablanca vers le Nord. Seule la réforme portuaire stoppera la saignée, en permettant au port de Casablanca de rattraper le trafic perdu d'ici quatre à cinq ans. Abondant dans le même sens que le ministre, Mohamed Abdeljelil, directeur général de l'ODEP, revient sur le projet de scission de son office en deux entités : la SODEP qui héritera des opérations commerciales dans le cadre d'une société anonyme, «qui pourrait être cédée plus tard au privé » et l'agence de régulation, censée voir le jour d'ici le 1er décembre. Pour préparer cette scission, un plan de départ volontaire permettra à l'Office de se séparer de 700 de ses 3600 employés, en accord avec les partenaires sociaux. M. Benjelloun, directeur des ports, conclura l'exposé en s'alignant sur le point de vue ministériel et en explicitant le plan de partage des quais, tels que proposé. A savoir, le Terminal Est pour la future SODEP et le Tarik ainsi que le môle des agrumes pour les opérateurs privés. Ces derniers, par la voix du commandant Mohamed Karia, en tant que président de l'Assamat, considérent que ce partage déséquilibrerait fortement la concurrence en plaçant la SODEP dans une position dominante. «Tel qu'il est présenté, ce projet maintient le statu quo avec une position dominante de la SODEP, en vue de son enrichissement ; les caractéristiques de la concession proposée ne permettant pas l'introduction de la concurrence et la compétitivité en matière de performances portuaires, l'essentiel des installations et équipements portuaires restant sous contrôle de la SODEP ». Tout en reconnaissant que les conditions nautiques entre le Terminal Est et le Tarik ne sont pas les mêmes, le directeur des ports et des domaines maritimes, minimise l'impact de cette différence sur la concurrence. «Entre 2002 et 2006, plus de 60% des conteneurs débarqués à Casablanca pouvaient l'être dans un terminal comme dans l'autre», explique-t-il, chiffres à l'appui. Un point de vue battu en brèche par l'argumentaire de l'Assamat qui considère qu'un tel partage empêcherait toute concurrence. «Nous sommes pour la réforme, mais encore faudrait-il l'appliquer dans l'esprit de la loi votée à l'unanimité au Parlement», insiste M. Karia. Pour les stevedores, le plan proposé actuellement est loin du texte présenté aux députés : « les armateurs doivent avoir le choix de travailler avec la SODEP ou avec le CONSORPORT, sans contrainte de capacité de réception, de tirant d'eau et de longueur de navires ». Ce sont là, estiment les opérateurs, les seules possibilités qui permettent des prix concurrentiels et l'établissement des relations normales entre clients et fournisseurs. Appelé à donner à son avis, le nouveau président de la CGEM s'est dit favorable à cette réforme. «La baisse des coûts nous intéresse, pourvu que les intérêts des opérateurs privés et des stevedores soient maintenus». Reste seulement pour Karim Ghellab à trouver le point d'équilibre avant la date butoir du 5 décembre.