Le groupe Rahal qui vient d'investir dans une usine de jus de fruits à Tanger avec un partenaire européen de renom fait le point sur le secteur des jus. Un secteur miné par la contrebande et le non respect des normes. Entretien. ALM : Quel diagnostic faites-vous du secteur des jus de fruits au Maroc ? Karim Rahal : Je dirais d'emblée qu'il y a beaucoup à faire pour que les investisseurs ayant choisi la voie réglementaire puissent opérer sans crainte. Or, actuellement, les produits de contrebande, les produits périmés et ceux qui ne respectent pas les normes continuent toujours à être présents sur les marchés marocains. Là, il y a un grand problème. De simples mesures comme l'ajustement des prix de référencement de la Douane permettraient de combattre le marché illégal. Pourtant ces prix de référencement existent ? Certes, mais encore faut-il veiller à ce qu'il n'y ait pas de grosses différences d'une région à l'autre. Au port de Casablanca par exemple, le prix de référencement appliqué est de 5,5 dirhams alors qu'à Tanger, pour le même produit, le niveau appliqué n'excède pas 4,5 dirhams. Cette différence encourage la sous-facturation. On voit beaucoup de jus payés en Espagne à 6 dirhams qui sont déclarés à 3 dirhams à Tanger. Fixer un plancher permettrait de lutter contre les abus. Je pense que tous les opérateurs nationaux opérant dans ce secteur partagent cet avis. Quelles sont les normes auxquelles sont soumis vos produits ? Je dois d'abord dire que pour la plupart des produits commercialisés au Maroc, l'étiquette ne correspond pas au produit. Quand on colle sur une bouteille «100% naturel », on ne commet pas d'erreur puisque l'eau est naturelle. Mais le consommateur lui, est trompé. Dans le nectar, il doit y avoir au moins 50% de jus. Or, on a dans les rayons de beaucoup de magasins des appellations dans lesquelles il n'y a même pas 30% de jus. J'estime que sur environ 70% de jus vendus au Maroc, le consommateur est trompé. D'où mon appel à la vigilance. Pour le jus, les normes sont claires : c'est 100% jus. En dehors du Maroc, d'où viennent les jus que l'on trouve dans le marché marocain ? Essentiellement d'Espagne et de plusieurs pays arabes, lesquels se sont spécialisés dans la transformation de matières premières venant d'ailleurs. Nous ne sommes pas contre les importations, encore faut-il que les normes soient respectées. Oui à l'ouverture du marché, mais aussi oui au contrôle des normes et de la qualité. Pourquoi avez-vous choisi Tanger pour l'implantation de votre usine ? C'est un projet que je fais pour mon pays. Il n'est pas normal que dans un pays de fruits comme le Maroc, le marché soit inondé par des jus de fruits qui viennent essentiellement d'ailleurs. Aujourd'hui, nous avons donc investi dans ce domaine en fabricant un produit qui répond aux normes internationales d'hygiène et de qualité. Les potentialités sont énormes pour que le Maroc devienne un pays producteur et exportateur de jus de fruits. Il suffit de mettre un holà à la contrebande et de veiller à ce que le contrôle des produits introduits au Maroc soit de plus en plus rigoureux et qu'il y ait une politique d'émulation vers la qualité. Développer une industrie de jus de fruits au Maroc c'est relancer notre agriculture, économiser en devises, et créer de l'emploi. La meilleure manière de vaincre le chômage c'est de lutter contre la contrebande.