Pour avoir placé leur confiance en Khaled qui se faisait passer pour un Marocain résidant en Italie, sept rêveurs de l'Eldorado ont été déplumés sans pitié. Heureusement, un candidat a alerté la police. «Trop de confiance attire le danger». Mais la sagesse du vieux Corneille échappe à Omar alors que ce dernier attend un ami à une table du café de France, à Casablanca. Sans prêter attention aux clients attablés, en ce matin du mois de juillet, Omar sirote un café noir en lisant son journal. Âgé d'une quarantaine d'années, père de quatre enfants, Omar est commerçant. Dans sa boutique du Souk Koréâ, il vend des vêtements pour hommes. De temps en temps, il interrompt sa lecture pour jeter un coup d'œil à sa montre. Le moment fixé pour son rendez-vous est passé d'une vingtaine de minutes. Son ami lui aurait-il posé un lapin ? Il commence à le craindre. Pour se rassurer, il compose un numéro de téléphone sur son portable. «Excuse-moi de ce retard, mais je suis en route», lui répond son interlocuteur, au volant de sa voiture. A peine la conversation téléphonique s'est interrompue qu'un jeune homme se tient devant sa table. «Je t'ai déjà vu quelque part», lui dit le jeune homme. Omar le dévisage avec attention. Il ne lui semble pas l'avoir jamais vu auparavant. «Non, je suis certain que je t'ai croisé quelque part», affirme pourtant le jeune homme. «Où donc ?», insiste Omar? En guise de réponse, le jeune homme a tiré une chaise et sans attendre d'y être invité par Omar, s'asseoit à sa table, tout en faisant mine de tenter de se souvenir de cette hypothétique rencontre. Ce faisant, il en arrive à engager la conversation avec Omar. Son prénom est Khaled. Âgé de trente-huit ans, il est marié et père de deux enfants. «Je suis ressortissant marocain en Italie, j'habite à Naples…J'y réside depuis cinq ans et demi», lui confie-t-il. Omar se demande ce que Khaled, qui s'est incrusté à sa table, attend de lui. La réponse ne tarde pas à venir: «Je peux t'aider à aller en l'Italie», lui révèle finalement Khaled. La proposition intéresse Omar, qui procède à l'échange des numéros de téléphone. Entre-temps, l'ami qu'attendait Omar est arrivé et Khaled en profite pour s'éclipser, laissant sa future victime réfléchir aux perspectives d'une émigration en Italie. Quelques jours plus tard, le téléphone portable de Khaled sonne. C'est Omar qui l'appelle et qui souhaite le rencontrer. Un rendez-vous est donc fixé au même café. « Mon fils et la fille de mon voisin sont au chômage depuis des années, pourrais-tu faire quelque chose pour les aider ? », demande Omar à Khaled. Contre la somme de cinquante mille dirhams, Khaled accepte d'intervenir. Omar commence par sursauter lorsque Khaled lui annonce le montant désiré. Mais il finit par se dire que pour le prix d'une traversée de la Méditerrannée pour deux personnes, cet argent est mérité. Une semaine plus tard, Omar a rassemblé la somme demandée et la remet à Khaled, qui affirme être en train de préparer les visas. Pendant ce temps, le fils d'Omar et la fille de son voisin ont pour leur part entamé les préparatifs du voyage. Omar attend que Khaled le rappelle. «Cela se fera dans deux jours au plus tard», lui a-t-il dit. Deux jours passent, puis trois et enfin une semaine sans nouvelles. Mais lorsque Omar, qui commence à s'inquiéter, appelle Khaled sur son téléphone portable, pas de réponse. Que faire ? Attendre encore ? Si seulement Omar savait où ce Khaled habitait, il serait allé le voir chez lui mais il n'a rencontré le « passeur » qu'au café. En désespoir de cause et finissant par conclure qu'il a été escroqué, Omar se rend au commissariat de police pour déposer plainte. La police se lance donc à la recherche de Khaled. Les quinze premiers jours, aucune trace de l'escroc à la traversée. Ce n'est qu'un mois plus tard, qu'il est identifié dans un autre café de la ville. Il s'apprêtait à tendre son piège à un huitième candidat à l'émigration frauduleuse. Il est immédiatement arrêté.