Le combat réel, profond, définitif est d'ordre idéologique, culturel et il n'est pas du ressort des sécuritaires ni l'apanage des seuls appareils d'Etat. Les partis politiques l'ont déserté, pire il n'y a pas un seul bureau politique qui a réagi à l'annonce du démantèlement des «Ansar Al Mahdi». Le dernier réseau démantelé est bien la menace terroriste la plus grave qui visait le Maroc, les 44 accusés ne préparaient pas une opération ponctuelle visant à faire un maximum de victimes dans un lieu public. Hattab, l'émir des ténèbres et chef de ces illuminés, voulait monter un maquis à l'algérienne. Son réseau s'étendait à 6 villes et couvrait une partie importante du territoire. Cette fois, il ne s'agissait pas d'une cellule isolée dans un quartier périphérique d'une ville quelconque, mais d'un véritable noyau d'une organisation terroriste nationale. C'est la première fois que nous sommes face à une telle tentative et pour leur première tentative, les terroristes ont réussi à embrigader 3 militaires en activité et deux à la retraite. Soit dit en passant quand le procureur parle d'ex-militaires, il prend acte du renvoi des prévenus après leur arrestation. Sans paniquer, il faut poser la question de l'immunité de l'armée parce qu'il serait trop facile de nous sortir l'argument selon lequel la grande muette est à l'image de la société. On est en droit d'attendre une plus grande vigilance des généraux en charge de notre défense. Ce réseau donc est le plus dangereux de l'histoire de la lutte antiterroriste. Il avait déjà mis en place les structures permettant son financement . Le tout est Made in Morocco, il n'y a pas une seule intervention étrangère, sauf peut-être celle d'Al Jazeera ou des CD de la haine jihadiste. Or, depuis le 16 mai, les forces de sécurité ont démantelé près d'une vingtaine de cellules terroristes, toutes très nationales. Le phénomène terroriste est absolument endogène, refuser cette réalité c'est ramollir les forces au combat. Jusqu'ici, les forces de sécurité, les hommes de l'ombre ont toujours réussi à déjouer les projets terroristes à temps, par deux fois au moins in extrémis. Les lois de la probabilité étant ce qu'elles sont, chaque succès nous rapproche du jour où des salauds passeront à travers les mailles du filet. C'est inéluctable, parce que dans cette lutte, l'infaillibilité n'existe pas. Les hommes qui mènent le combat sur ce front méritent notre respect, parce qu'ils ont déjà sauvé des vies humaines. Que les militants droits-de-l'hommistes contestent les méthodes est ceci aussi dans l'ordre des choses, sans plus. Mais cet aspect là du combat n'est pas suffisant. Le terrorisme au Maroc est secrété par la société marocaine. Que des influences étrangères existent, que le problème identitaire prime, que la barbarie israélienne, l'arrogance anglaise ou l'impérialisme US font des émules jihadistes tout le monde en convient. Cependant, le contrôle des mosquées est des plus mous, l'enseignement est largement contaminé, la propagande jihadiste est partout. Surtout le problème de fond n'est jamais mis sur la table. Sauf peut-être dans l'immédiat après le 16 mai : quid de l'intégrisme ? Le terrorisme n'est jamais qu'une expression, impatiente, extrême d'un mouvement montant au sein de la société, dont il prend les couleurs. Le mouvement ouvrier, les mouvements nationalistes anti-coloniaux ont eu leurs terroristes. Moins barbares parce que l'idéologie les soutenant ne permettait pas la sauvagerie que véhicule le jihadisme islamiste. Le combat réel, profond, définitif est d'ordre idéologique, culturel et il n'est pas du ressort des sécuritaires ni l'apanage des seuls appareils d'Etat. Les partis politiques l'ont déserté, pire il n'y a pas un seul bureau politique qui a réagi à l'annonce du démantèlement des «Ansar Al Mahdi». Les intellectuels par lâcheté, par lassitude ou par inconsistance préfèrent la compromission. Les prétendues forces vives de la nation sont plutôt endormies. Ce sommeil là nous coûtera très cher et le réveil risque d'être tragique. Mais il est illusoire d'espérer un réveil rapide, le puissant somnifère s'appelle privilèges, souvent d'ailleurs ridicules. La société doit d'abord secréter une nouvelle élite avant d'espérer extirper la machine à armer les fous d'Allah.