Propriétaire de deux maisons et possédant une somme de près de 120 000 DH, plus des bijoux en or d'une valeur de 40 000 DH, une femme septuagénaire fait la manche depuis plusieurs années dans les rues de Casablanca. «Je veux partir. Je veux sortir d'ici», ne cesse de répéter Zahra Bent Haj Jilali connue sous le nom de "mère Khadouj", une septuagénaire au directeur du Centre social de Tit Mellil, où elle a été placée, depuis vendredi 21 juillet, après son arrestation devant la mosquée du quartier Jamila à Sbata, à Casablanca. Portant des haillons, la vieille femme, dont le visage ridé, marqué par les sillons du temps, gagne sa vie en mendiant. Elle connaît les ruelles et les boulevards de la mégalopole comme sa poche. Depuis des dizaines d'années, elle sillonne les rues en tendant la main. Au moment de son appréhension, dans le cadre de la campagne de lutte contre la mendicité menée par le département de Abderrahim Harouchi, elle dissimulait sous ses vêtements une somme de 110 318 dirhams et six bracelets en or d'une valeur estimée à 40 000 dirhams. Divorcée et mère de trois enfants : mécanicien, commerçant et forgeron, elle a collecté cette somme en faisant la manche à travers les rues de la ville. «C'est la moisson de cinq ans de mendicité», lance-t-elle. La femme travaillait auparavant dans une usine de confection. Elle s'est mariée à trois reprises. «Quand je suis sortie de l'usine, j'ai commencé à faire du petit commerce, de vendre des vêtements dans le souk. Mais, un jour, j'ai décidé de sortir à la rue et mendier. Vaut mieux tendre la main. Il fallait bien que je mange et que mes enfants vivent», raconte-t-elle. Des dizaines d'années s'écoulèrent, durant lesquelles, du matin au soir, sans répit, "mère Khadouj", non accompagnée, vaque à son occupation journalière, demander quelques centimes aux passants. La recette de «la manche» quotidienne est de 100 à 500 dirhams. Après avoir acheté deux maisons dont l'une est sise à Sbata, "mère Khadouj" poursuit son activité. Pourquoi arrêter de le faire alors que cela rapporte gros ? L'intéressée ne l'entend pas de cette oreille. «Je ne peux pas arrêter, chez moi c'est devenu une habitude. Bien que j'aie assez d'argent pour vivre. Je possède deux maisons et j'ai l'intention d'acheter une troisième. Il faut amasser de l'argent, beaucoup même… Ces quelques jours passés dans ce centre sont une perte d'argent pour moi», ajoute-t-elle. Très attachée à sa fortune, elle la met dans un morceau de tissu qu'elle serre autour de sa taille. Pour ne pas prendre le risque de perdre son pécule, elle ne va même pas au bain maure. Rarement qu'elle fait sa douche dans sa maison à Sbata, où elle loue une chambre à son fils à 500 dirhams par mois. Khadouj n'est pas le premier cas de ce genre. Elle ne sera pas non plus le dernier. Des milliers de mendiants se trouvent dispersés dans les différents boulevards des villes du Royaume. Pour susciter la pitié et la générosité des gens, ils utilisent tous les moyens possibles et imaginables. Ils supplient, implorent, pleurent, histoire d'amadouer les passants. De jour en jour, le phénomène prend de l'ampleur. L'arrestation de Khadouj rentre dans le cadre de la campagne de lutte contre ce phénomène pernicieux. «Il y a six mois, une circulaire tripartite élaborée par le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice et le ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité a été adressée aux différents départements concernant la lutte contre la mendicité. Les moyens utilisés sont la sensibilisation mais également la sanction», explique Abdelkrim Sebbar, directeur du Centre social de Tit Mellil. Et d'ajouter : «Cette femme a été arrêtée pour la première fois. Elle va pouvoir rentrer chez elle, puisqu'elle a une maison et une famille, mais en cas de récidive, elle sera traduite devant la justice».