Au lendemain de nouvelles victoires, les dirigeants des tribunaux islamiques de Mogadiscio cherchaient le soutien des chefs traditionnels somaliens pour instaurer la loi coranique et étendre leur pouvoir. Une milice islamique s'est emparée de la ville somalienne de Jowhar, où des chefs de guerre s'étaient repliés après avoir été défaits à Mogadiscio. Jowhar est située à 90 kilomètres au nord de la capitale de Somalie. La ville est tombée sans résistance. Selon des spécialistes de la Somalie, en prenant Jowhar, les miliciens islamistes s'assurent le contrôle de la quasi-totalité du Sud. La question était de savoir ce qu'ils comptaient faire : soit contribuer à l'installation du gouvernement intérimaire actuellement basé à Baidoa, soit mettre en place une administration rivale. La réponse n'a pas tardé à venir. En effet, les dirigeants des tribunaux islamiques de Mogadiscio cherchaient jeudi le soutien des chefs traditionnels somaliens pour instaurer la loi coranique et étendre leur pouvoir à d'autres régions du pays. «Notre priorité est de mettre en place une administration islamique et de s'assurer que les villes sous notre contrôle sont sécurisées avant d'étendre notre contrôle à d'autres régions», a déclaré Sheikh Hassan Warsame, l'un des commandants des milices des tribunaux. Côté islamiste, les discussions, à huis clos, étaient notamment menées par le président des tribunaux islamiques de Mogadiscio, Sheihk Shariff Sheikh Ahmed. Les chefs traditionnels de Jowhar sont issus du sous-clan Abgal, qui contrôle également une partie du nord de Mogadiscio où il refuse de reconnaître l'autorité du Conseil suprême des tribunaux islamiques dans les territoires sous son contrôle et a appelé à la résistance après la prise de la grande partie de la capitale par les islamistes, le 5 juin. Le président des tribunaux est lui-même issu du sous-clan Abgal. Les tribunaux rejettent également catégoriquement l'idée d'une force de paix internationale, réclamée par le gouvernement et le Parlement de transition, installés à Baïdoa, à 250 km au nord-ouest de la capitale. Les institutions de transition, installées en 2004 et impuissantes à rétablir l'ordre dans le pays, bénéficient du soutien de pays voisins, regroupés dans l'Autorité intergouvernementale de développement (Igad). Le Parlement somalien a approuvé mercredi le déploiement d'une force de l'Igad. Plusieurs centaines de partisans des tribunaux islamiques ont manifesté jeudi à Mogadiscio contre une telle option. «Le Parlement (...) est criminel et mérite la haine du peuple somalien», a lancé à la foule Ahmed Mohamud Qare, responsable d'une association locale, dans le stade où se déroulait la manifestation. Les manifestants ont accusé les parlementaires d'être manipulés par les pays de la région, notamment l'Ethiopie. La Somalie et l'Ethiopie ont mené une guerre meurtrière en 1978 dite "guerre de l'Ogaden", région éthiopienne peuplée de Somalis. Lundi, des pourparlers entre le gouvernement et les tribunaux islamiques avaient capoté en raison de dissensions sur une telle force internationale.
Attajdid applaudit la victoire des tribunaux islamiques Dans son édition du jeudi 15 juin, le quotidien arabophone "Attajdid", porte-parole officiel du Mouvement unicité et réforme (MUR) et organe reflétant les positions du Parti islamiste du développement de la justice (PJD), a jugé très positives les tournures qu'a prises la crise dans ce pauvre pays d'Afrique, ravagé par 25 ans de guerre civile. Pour les islamistes d'Attajdid, "les tribunaux islamiques vont bientôt en finir avec le chaos et unifier la Somalie". Le quotidien applaudit ainsi la prise du pouvoir par la junte islamiste qui a d'ores et déjà commencé à faire de ce pays un Etat islamiste rappelant l'épisode dramatique de l'ère qu'a vécue l'Afghanistan sous le régime des Talibans. L'islamisation de cette partie de l'Afrique est un événement très grave qui ne peut que favoriser l'implantation de réseaux terroristes islamistes dans la région qui s'étend du Soudan au Sahara marocain.