Face à la montée des prix du brut, le Premier ministre vient de demander à deux départements de présenter des mesures d'urgence pour le Transport et l'Agriculture. L'indexation reste au point mort. C'était attendu. Le Premier ministre vient de commander à deux ministères, ceux de l'Equipement et du Transport et de l'Agriculture et des Pêches Maritimes, un plan de mesures d'urgence pour soutenir les secteurs du Transport et de l'Agriculture. La présentation des rapports des deux Départements est imminente. Ces deux secteurs, l'Agriculture et le Transport, qui utilisent souvent le gas oil normal (non indexé) seront les premiers à souffrir de la nouvelle flambée des prix du brut. Au delà, c'est tout le système d'indexation, rétabli depuis janvier 2006, qui est mis en difficulté. «Nous avions prévu au moment de la mise en place de ce mécanisme, de faire varier les prix sur le marché national, à la hausse ou à la baisse à chaque fois que le prix du baril évolue en hausse ou en baisse d'au moins 2,5%», explique Rachid Talbi Alami, ministre des Affaires générales et économiques. Un seuil dépassé aujourd'hui, puisque le baril a augmenté de 16% depuis janvier 2006, se négociant désormais au prix de 75 dollars dans les principales places internationales. Le gouvernement hésiterait à appliquer la mesure à cause de ses lourdes implications tant sociales qu'économiques. Et les opérateurs du secteur de se demander si le moment qui avait été choisi pour appliquer la «proportionnalité » était le meilleur. Et surtout si les projections faites lors de la mise en place du programme d'indexation étaient bien ficelées. Va-t-on suspendre l'indexation ? «Je ne peux pas répondre à votre question», rétorque Mohamed Boutaleb à ce sujet, nous renvoyant à son cabinet. Interrogé, un autre cadre du ministère de l'Energie est resté laconique: «la politique d'indexation est liée au marché international. Personne ne pouvait présager que le baril allait atteindre 75 dollars». Le scénario de l'année 2006 avec un baril autour de 75 dollars contre 60 dans les prévisions du ministère des Finances, est bien parti pour être le remake de 2005. L'année dernière, le cours du baril avait atteint 60 dollars contre une prévision de 35 dollars dans la loi de Finances. Par contre, pour Mohamed Lahlimi du Haut Commissariat au Plan, l'indexation devait se faire quand le baril était à 45 dollars et non à 60. «Quand vous indexez à partir d'un haut niveau de prix, la charge est lourde », explique celui qui pilote actuellement une vaste étude sur la prospective énergétique du Maroc à l'horizon 2030. Aux yeux de M. Lahlimi, cette montée du prix du pétrole est structuelle. «Si l'on tient compte de l'inflation, le prix actuel de 74 dollars est le même que celui des années 80, à cette différence près que les pays riches ont augmenté leurs revenus sur la période, à même de supporter les hausses actuelles ». Ce qui n'est pas le cas des pays en voie de développement, et surtout de ceux ne disposant pas de pétrole comme le Maroc. Pour le Royaume, poursuit M. Lahlimi, il y aura certainement une décision douloureuse à prendre. D'autant que, prévient ce haut fonctionnaire, la situation politique internationale caractérisée par la guerre en Irak, la crise nucléaire en Iran, les pressions sur le Venezuela et les ruptures de production au Nigeria font le bonheur des spéculateurs. La retombée des cours n'est pas pour demain. Faudra-t-il continuer à subventionner les importations du pétrole, en alourdissant les charges de l'Etat ? Ou, à l'inverse, doit-on appliquer l'indexation et la vérité des prix, sachant que cela est intenable pour le consommateur et l'entreprise ? Faut-il jouer sur la fiscalité ? Dans tous les cas, toute décision, recommande M. Lahlimi, nécessitera une grande action de recherches, l'engagement pour le développement de nouvelles sources d'énergie alternative, et la poursuite, envers le consommateur, de campagnes incitant à l'économie de l'énergie. Cette hausse est d'autant plus lourde de conséquences, que la Caisse de Compensation, n'a plus les moyens de suivre. L'institution accuse 4 milliards de dirhams d'arriérés. L'Etat qui fait recours aux crédits budgétaires, apure à raison d'un milliard de dirhams par mois. Un effort qui risque d'être insuffisant avec une conjoncture pétrolière toujours aussi défavorable.